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Règlement (UE) 1286/2011 de la commission du 9 décembre 2011
portant adoption d'une méthodologie commune pour enquêter
sur les accidents et incidents de mer
conformément à l'article 5, paragraphe 4, de la directive 2009/18/CE du Parlement européen et du Conseil

 

LA COMMISSION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
vu la directive 2009/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant la directive 1999/35/CE du Conseil et la directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil ( 1 ), et notamment son article 5, paragraphe 4,
considérant ce qui suit:
(1) La directive 2009/18/CE exige de la Commission qu'elle adopte une méthodologie commune pour enquêter sur les accidents et incidents de mer que les organismes d'enquête doivent respecter lorsqu'ils mènent des enquêtes de sécurité.
(2) La méthodologie commune pour enquêter sur les accidents et incidents de mer doit fournir des normes communes applicables, en principe, à toutes les enquêtes menées conformément à la directive 2009/18/CE afin d'atteindre un haut niveau de qualité d'enquête.
(3) Les règles générales prévues par la méthodologie commune devraient être directement utilisées par les organismes d'enquête des États membres.
(4) Les mesures prévues dans le présent règlement sont conformes à l'avis du comité pour la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires ( 2 ),

A ADOPTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

Article premier

La méthodologie commune pour enquêter sur les accidents et incidents de mer, prévue à l'article 5, paragraphe 4, de la directive 2009/18/CE, est définie à l'annexe du présent règlement.

Article 2

Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.
Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Bruxelles, le 9 décembre 2011.
Par la Commission
Le président
José Manuel BARROSO

ANNEXE

MÉTHODOLOGIE COMMUNE POUR ENQUÊTER SUR LES ACCIDENTS ET INCIDENTS DE MER

 

A. OBJET ET CHAMP D'APPLICATION
L'objet des enquêtes de sécurité sur les accidents de mer est de limiter le risque d'accidents et d'incidents futurs et d'atténuer leurs conséquences graves comme la perte de vies humaines, la perte de navires et la pollution de l'environnement marin.
L'objet du présent document est de fournir aux organismes d'enquête des États membres une méthodologie commune pour mener les enquêtes sur la sécurité en mer conformément à la directive 2009/18/CE. Il se fonde sur le champ d'application et les définitions de la directive 2009/18/CE, compte tenu des instruments de l'OMI visés dans celle-ci.

La méthodologie vise à établir une approche commune applicable, en principe, à toutes les enquêtes menées conformément à la directive et définit les caractéristiques d'une bonne enquête de sécurité. Il ne s'agit pas d'une liste de contrôle et les enquêteurs doivent exercer leur jugement et leurs compétences professionnels pour prendre en compte les circonstances de chaque événement.

Ce faisant, par l'application de cette méthodologie commune ainsi que d'une approche objective et systémique de l'enquête, l'organisme d'enquête devrait être mieux à même de tirer les leçons de chaque accident et renforcer ainsi la sécurité maritime.

Pour déterminer correctement les causes d'un accident ou incident de mer, il importe de procéder en temps utile à une enquête méthodique, en ne s'arrêtant pas aux preuves immédiates mais en recherchant les éléments sous-jacents susceptibles de provoquer d'autres accidents à l'avenir. L'enquête doit donc être envisagée comme un moyen de déterminer non seulement les causes immédiates, mais aussi les problèmes qui se posent dans le contexte général de la réglementation, de la politique et de leur mise en oeuvre.

B. CONTENU
1. Disponibilité opérationnelle
1.1. Chaque organisme doit avoir un plan à l'avance pour faire en sorte que, après notification d'un accident et au commencement d'une enquête, aucun retard ne puisse être imputé à un manque d'information pertinente ou préalable, de préparation ou de connaissances. Un tel plan de préparation doit garantir la disponibilité immédiate, dans la mesure du possible, de ressources et de procédures, y compris d'enquêteurs dûment qualifiés en nombre suffisant et de toute coordination nécessaire au niveau national et international, pour répondre aux besoins et pour permettre de prendre de premières mesures rapidement, dès réception de la notification d'un accident ou incident.

1.2. Il convient de prendre des dispositions pour faire en sorte que l'organisme d'enquête reçoive les notifications d'accident et d'incident rapidement, en moins de vingt-quatre heures.

2. Première évaluation et intervention
2.1. Lorsqu'ils reçoivent une notification, les organismes d'enquête doivent évaluer la situation. La première évaluation est essentielle pour que les organismes d'enquête puissent se faire rapidement une idée de la situation, limitent la disparition éventuelle de preuves et déterminent quelles informations sont nécessaires afin d'arrêter la mesure appropriée.

2.2. Cette évaluation doit permettre, autant que possible, de comprendre quels sont
— les événements dans leur globalité,
— les impératifs de temps,
— le personnel impliqué, et
— la nature de l'événement.
Outre les facteurs énumérés à l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2009/18/CE, les éléments suivants, entre autres, peuvent aussi être pris en compte pour décider sur quels accidents ou incidents peu graves enquêter:
— l'intérêt éventuel que la conduite d'une enquête peut présenter pour la sécurité,
— la visibilité publique de l'accident,
— le fait que l'accident relève d'une tendance observable,
— les conséquences potentielles de l'accident,
— l'importance des ressources disponibles et prévues en cas de priorités contraires et l'importance de tout retard de l'enquête,
— les risques associés au fait de ne pas enquêter,
— les incidents graves touchant, à bord, l'équipage ou les passagers,
— la pollution de zones écologiquement sensibles,
— les navires risquant des avaries de structure importantes,
— les accidents qui perturbent, ou sont susceptibles de perturber, des opérations portuaires majeures.

2.3. Après qu'une décision est prise d'enquêter sur un accident grave ou tout autre accident ou incident de mer, l'enquête doit normalement être menée avec la même diligence que pour un accident très grave.
Lorsqu'une enquête doit être menée, les organismes d'enquête doivent prendre les mesures immédiates, dans la mesure du possible, pour assurer la préservation des preuves, la coordination avec les autres parties ayant d'importants intérêts en jeu et la désignation d'un État principalement responsable de l'enquête.

3. Stratégie et collecte des preuves
3.1. L'organisme d'enquête de l'État principalement responsable de l'enquête, en liaison étroite avec ceux des autres États ayant d'importants intérêts en jeu, doivent promptement élaborer une stratégie concernant la portée, l'orientation et le calendrier de l'enquête.

3.2. L'organisme d'enquête doit veiller à l'application du plan au cours de l'enquête. Avant la fin de la phase de collecte des preuves, l'organisme d'enquête doit, dans la mesure du possible, avoir rassemblé l'intégralité des preuves sur tous les éléments qui pourraient avoir influé sur l'accident ou l'incident.

3.3. La précision de la portée de l'enquête de sécurité et de la procédure à suivre doit suffire à lever, autant que possible, les incertitudes et ambiguïtés et permettre ainsi de poser des hypothèses logiques solides quant à ce qui a provoqué l'accident ou l'incident de mer.

3.4. Dans la mesure du possible, les organismes d'enquête des États ayant d'importants intérêts en jeu doivent apporter leur soutien, en temps utile, à l'État principalement responsable de l'enquête.

3.5. L'État principalement responsable de l'enquête doit nommer un enquêteur pour mener l'enquête, mobiliser les ressources nécessaires et commencer dès que possible la collecte des preuves car la qualité de celles-ci, notamment lorsqu'elle dépend de la précision du travail de collecte, peut rapidement se détériorer avec le temps, étant entendu aussi que tout navire impliqué dans un accident ou incident de mer ne devrait pas être retardé plus qu'il n'est absolument indispensable pour rassembler des preuves.

3.6. Au cours de la phase initiale de chaque enquête, les enquêteurs doivent recueillir le maximum d'éléments de preuve pertinents pouvant aider à comprendre l'incident et à en déterminer les causes, compte tenu de l'ampleur éventuelle de l'enquête.

3.7. Outre les informations obtenues au cours de la phase de notification initiale, les enquêteurs doivent se procurer les informations générales et de référence appropriées. Il peut s'agir de preuves ou de données demandées à un système de surveillance, au système de contrôle du trafic, à l'administration maritime, aux services de sauvetage, à la compagnie maritime et au navire accidenté.

3.8. Le cas échéant, l'organisme d'enquête doit interroger des bases de données, y compris celle de la Plateforme européenne d'information sur les accidents de mer, et d'autres sources d'information afin de pouvoir recenser d'éventuels problèmes de sécurité susceptibles de présenter un intérêt pour l'accident ou l'incident de mer faisant l'objet de l'enquête.

3.9. En principe, les enquêteurs doivent, si possible, visiter le site où est survenu l'accident afin d'obtenir des preuves intactes et d'avoir un premier aperçu de l'incident. S'il n'a pas été possible de préserver le site, il convient de prendre des dispositions pour obtenir, si possible, des documents appropriés sur la scène, par exemple à l'aide de photographies, d'enregistrements audiovisuels, d'esquisses ou de tout autre moyen disponible, en vue de rassembler des preuves importantes et de pouvoir reconstituer les circonstances de l'événement à un stade ultérieur.

3.10. Lorsque le navire est équipé d'un enregistreur des données du voyage (VDR), les enquêteurs doivent tout mettre en oeuvre pour obtenir et préserver les informations qui y sont enregistrées. En particulier, ils doivent prendre rapidement des mesures pour faire en sorte que le VDR soit sauvegardé et éviter que les données soient écrasées. Ils doivent aussi tout mettre en oeuvre pour obtenir toute information pertinente à partir des sources électroniques, tant à bord du navire qu'à terre. Ils doivent examiner, dans l'ordre qu'ils jugent approprié, tous les documents, procédures et enregistrements pertinents à leur disposition.

3.11. Il convient d'auditionner tous les témoins disponibles et considérés comme importants par l'organisme principalement responsable de l'enquête. Les enquêteurs doivent déterminer quels témoins ils souhaitent auditionner initialement et établissent un programme d'auditions. Ce programme doit tenir compte, entre autres, de la fatigue (tant du témoin que de l'enquêteur), de la fragilité du témoignage humain et des déplacements prévus des témoins éventuels.
Les témoins éventuels peuvent être, entre autres, les suivants:
— personnes directement impliquées dans l'accident ou l'incident de mer et ses conséquences,
— témoins oculaires de l'accident ou de l'incident de mer,
— personnel d'intervention d'urgence,
— personnel de la compagnie, officiers du port, concepteurs, personnel de réparation, experts techniques.
S'il n'est pas possible de parler directement à certains témoins, l'organisme principalement responsable de l'enquête doit prendre des mesures pour recueillir leur témoignage par d'autres moyens.
Leur témoignage peut être recueilli par entretien téléphonique ou en demandant à d'autres enquêteurs de sécurité qualifiés de procéder à l'audition au nom de l'État principalement responsable de l'enquête. Dans le dernier cas, la personne procédant à l'audition devra être informée avec précision par l'enquêteur qui mène l'enquête. Il se peut qu'il faille auditionner plus d'une fois nombre de témoins-clés.

3.12. Chaque fois que c'est possible, les informations doivent être vérifiées. Il se peut que différents témoins fassent des déclarations contradictoires et qu'il faille apporter d'autres preuves à l'appui. Pour faire en sorte que tous les éléments factuels soient établis, il convient de répondre aux questions «qui?», «quoi?», «quand?», «comment?» et «pourquoi?».

3.13. Les facteurs humains constituent l'un des aspects de la plupart des enquêtes et les enquêteurs de sécurité doivent être formés en conséquence. Le succès de l'enquête sur les facteurs humains dépend dans une large mesure du type et de la qualité des informations recueillies. Chaque événement étant unique, l'organisme d'enquête doit déterminer le type et la qualité des données à recueillir et examiner. En principe, l'enquêteur doit commencer par rassembler le maximum d'informations et, à mesure que l'enquête se déroule, écarter les données superflues.

3.14. Si besoin est, l'organisme d'enquête devra se procurer certaines preuves matérielles, notamment afin de procéder à un examen scientifique, une inspection ou un essai à terre. Dans ce cas, les enquêteurs doivent garder à l'esprit que le passage du temps pourrait dégrader les preuves disponibles et doivent donc les prélever dès que possible. Avant le prélèvement, ces preuves doivent, si possible, être photographiées in situ. Leur prélèvement et leur préservation doivent être assurés avec toutes les précautions qui s'imposent pour éviter de biaiser leur examen.

3.15. Si cela s'avère utile dans le cadre de leur enquête, les organismes d'enquête peuvent procéder à un examen spécial, en particulier un examen technique du navire et des différents systèmes et équipements à bord, ou le faire réaliser si nécessaire par des experts compétents.

3.16. Lorsqu'ils rassemblent les preuves, les organismes d'enquête doivent s'efforcer de déterminer toutes celles qui peuvent faire défaut.

4. Analyse
4.1. Après avoir recueilli les preuves et des données complémentaires, l'organisme d'enquête de l'État principalement responsable de l'enquête, en coopération avec d'autres États ayant d'importants intérêts en jeu le cas échéant, doit les analyser en vue de déterminer les facteurs déterminants et contributifs.
À cet égard, les enquêteurs doivent prendre en compte l'intérêt variable des preuves qu'ils ont recueillies et chercher le meilleur moyen de lever les ambiguïtés ou de résoudre les contradictions.

4.2. Pour déterminer correctement les facteurs déterminants, il importe de procéder en temps utile à une enquête méthodique, en ne s'arrêtant pas aux preuves immédiates mais en recherchant les éléments sous-jacents qui peuvent se trouver loin du site de l'accident ou incident de mer et sont susceptibles d'en provoquer d'autres à l'avenir. Les enquêtes sur la sécurité en mer devraient donc, en principe, servir à déterminer non seulement les facteurs déterminants immédiats, mais aussi les éléments qui peuvent exister dans l'ensemble du processus opérationnel. À cette fin, l'analyse des preuves recueillies doit être approfondie et itérative.

4.3. Si un manque d'informations ne peut être comblé que par une extrapolation logique et des hypothèses raisonnables, cela doit clairement ressortir dans la formulation du rapport. Dans ce sens, il peut être utile de déterminer toutes les possibilités et d'en faire la réduction analytique pour parvenir aux hypothèses les plus probables.

5. Recommandations de sécurité
5.1. Toute recommandation de sécurité doit être fondée sur l'analyse. Les recommandations doivent être formulées à l'intention des organismes ou individus les mieux placés pour prendre des mesures correctrices.

5.2. Elles peuvent se fonder sur des enquêtes de sécurité ou sur des recherches et une analyse succincte de données. Leur formulation peut être réalisée en coopération et en concertation avec les parties concernées car celles-ci sont souvent bien placées pour déterminer et appliquer les mesures de sécurité appropriées. La décision finale sur la teneur et les destinataires des recommandations de sécurité doit, cependant, revenir à l'organisme principalement responsable de l'enquête.

5.3. Lorsqu'un facteur déterminant ou contributif est jugé suffisamment grave pour justifier un traitement d'urgence, il convient de prendre les mesures de suivi appropriées comme, par exemple, la publication d'une recommandation de sécurité provisoire.

5.4. Pour qu'une recommandation soit acceptée et appliquée le mieux possible par ses destinataires, elle doit être:
— nécessaire,
— susceptible d'être efficace,
— pratique,
— pertinente,
— ciblée,
— énoncée de façon claire, concise et directe,
— énoncée de façon à pouvoir servir de base à des plans de mesures correctrices, en mettant en évidence le défaut de sécurité qui doit être corrigé.

6. Rapports
6.1. L'organisme d'enquête de l'État principalement responsable de l'enquête, en liaison avec d'autres États ayant d'importants intérêts en jeu, doit produire un projet de rapport. Celui-ci doit présenter, de façon claire, cohérente et concise, les faits et analyses qui étayent les conclusions et recommandations.

6.2. Si possible, il convient de diffuser le projet de rapport, ou certaines parties de celui-ci, de manière confidentielle à toute personne ou tout organisme qui pourrait en être affecté, pour consultation. L'organisme d'enquête doit publier le rapport final dûment modifié.

7. Suivi
Les organismes d'enquête doivent s'efforcer de vérifier les détails des mesures prises en réponse aux recommandations de sécurité.


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