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Décret n° 2002-1016 du 18 juillet 2002
portant publication de l'accord relatif à la création en Méditerranée d'un sanctuaire pour les mammifères marins
(ensemble une déclaration), fait à Rome le 25 novembre 1999 (1)

 

Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères,
Vu les articles 52 à 55 de la Constitution ;
Vu le décret no 53-192 du 14 mars 1953 modifié relatif à la ratification et à la publication des engagements internationaux souscrits par la France ;
Décrète :

Art. 1er. - L'accord relatif à la création en Méditerranée d'un sanctuaire pour les mammifères marins (ensemble une déclaration), fait à Rome le 25 novembre 1999, sera publié au Journal officiel de la République française.

Art. 2. - Le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

 

 

A C C O R D
RELATIF A LA CREATION EN MEDITERRANEE D'UN SANCTUAIRE POUR LES MAMMIFERES MARINS
(ENSEMBLE UNE DECLARATION)

Les Parties au présent Accord,
Considérant les menaces qui pèsent sur les mammifères marins en Méditerranée et plus particulièrement sur leurs habitats ;
Considérant que dans la mer Méditerranée il existe une zone de l'aire de répartition de ces animaux particulièrement importante pour leur conservation ;
Considérant que, sur la base de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, la zone en question est constituée en partie par des eaux à l'égard desquelles chacune des Parties exerce sa souveraineté ou sa juridiction ;
Considérant que la Communauté européenne exerce, pour deux Etats parties, une compétence exclusive en matière de conservation et de gestion des ressources aquatiques marines vivantes ; que les mesures techniques de conservation des ressources de pêche en Méditerranée sont, actuellement, régies par le règlement (CE) no 1626/94 du Conseil du 27 juin 1994 ;
Reconnaissant que, pour deux Etats parties, les dispositions qui seront adoptées en application du présent Accord ne peuvent pas porter atteinte aux principes et aux dispositions communautaires pertinentes, ni remettre en cause leurs obligations et leurs engagements en tant qu'Etats membres de la Communauté ;
Prenant en compte les traités et les autres instruments internationaux pertinents et notamment :
Les conventions sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage et relatives à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe ;
La convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine et l'accord sur la conservation des cétacés de la Mer noire, de la Méditerranée et de la zone atlantique adjacente ;
La convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée et les protocoles y afférents ;
Soucieuses d'oeuvrer pour la conservation des mammifères marins en Méditerranée ;
sont convenues de ce qui suit :

Article 1er

Aux fins du présent Accord :
a) L'état de conservation est jugé « favorable » quand les connaissances sur les populations indiquent que les mammifères marins de la région constituent un élément viable des écosystèmes auxquels ils appartiennent ;
b) Le mot « habitat » signifie toute zone de l'aire de répartition des mammifères marins occupée temporairement ou en permanence par ceux-ci en particulier pour la reproduction, la mise bas, le nourrissage, ainsi que les voies de migrations ;
c) Le mot « prise » signifie la chasse, la capture, la mise à mort ou le harcèlement des mammifères marins, ainsi que les tentatives de tels actes.

Article 2

1. Les Parties instituent un sanctuaire marin dans la zone de la mer Méditerranée définie à l'article 3, dont la diversité et la richesse biologiques constituent des facteurs indispensables à la protection des mammifères marins dans leurs habitats.
2. Dans le sanctuaire les Parties protègent les mammifères marins de toutes espèces.

Article 3

Le sanctuaire est constitué de zones maritimes situées dans les eaux intérieures et dans les mers territoriales de la République française, de la République italienne et de la Principauté de Monaco, ainsi que de parties de haute mer adjacentes.
Ses limites sont les suivantes :
A l'Ouest, une ligne allant de la pointe Escampobariou (pointe ouest de la presqu'île de Giens : (43o 01' 70'' N, 06o 05' 90'' E) à Capo Falcone, situé sur la côte occidentale de la Sardaigne (40o 58' 00'' N, 008o 12' 00'' E) ;
A l'Est, une ligne allant de Capo Ferro, situé sur la côte nord-orientale de la Sardaigne (41o 09' 18'' N, 009o 31' 18'' E) à Fosso Chiarone, situé sur la côte occidentale de l'Italie (42o 21' 24'' N, 011o 31' 00'' E).

Article 4

Les Parties s'engagent à prendre dans le sanctuaire les mesures appropriées mentionnées aux articles ci-après pour garantir un état de conservation favorable des mammifères marins en les protégeant, ainsi que leur habitat, des impacts négatifs directs ou indirects des activités humaines.

Article 5

Les Parties coopèrent dans le but d'évaluer de manière périodique l'état des populations des mammifères marins, les causes de mortalité et les menaces pesant sur leurs habitats et, plus particulièrement, sur leurs fonctions vitales, telles que l'alimentation et la reproduction.

Article 6

1. En tenant compte de leurs engagements internationaux, les Parties exercent leur surveillance dans le sanctuaire et intensifient la lutte contre toutes les formes de pollution, d'origine maritime ou tellurique, ayant ou susceptibles d'avoir un impact direct ou indirect sur l'état de conservation des mammifères marins.
2. Les Parties adoptent des stratégies nationales visant à la suppression progressive des rejets de composés toxiques dans le sanctuaire, en accordant la priorité aux substances énumérées à l'annexe I du protocole de la Convention de Barcelone relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre.

Article 7

Dans le sanctuaire, les Parties :
a) Interdisent toute prise délibérée ou perturbation intentionnelle de mammifères ; elles peuvent toutefois autoriser des prises non létales dans les situations d'urgence ou dans le cadre de travaux de recherches scientifiques in situ menées dans le respect du présent Accord ;
b) Se conforment à la réglementation internationale et de la Communauté européenne, en particulier en ce qui concerne l'utilisation et la détention de l'engin de pêche dénommé « filet maillant dérivant » ;
c) Se concertent, en tant que de besoin, en vue de promouvoir dans les enceintes compétentes, après évaluation scientifique, l'adoption de réglementations concernant l'usage de nouveaux systèmes de pêche qui pourraient entraîner la capture de mammifères marins ou porter atteinte à leurs ressources alimentaires, en tenant compte du risque de perte ou d'abandon des engins de pêche en mer.

Article 8

Dans le sanctuaire, les Parties réglementent l'observation des mammifères marins à des fins touristiques.

Article 9

Les Parties se concertent en vue de réglementer et, le cas échéant, interdire dans le sanctuaire les compétitions d'engins à moteur rapides.

Article 10

Les Parties se concertent en vue d'harmoniser autant que possible les mesures établies en application des articles précédents.

Article 11

Sans préjudice des dispositions pertinentes du droit international et, le cas échéant, de la réglementation de la Communauté européenne, les dispositions qui précèdent n'affectent pas le droit des Parties d'établir des mesures nationales plus strictes.

Article 12

1. Les Parties tiennent régulièrement des réunions pour la mise en oeuvre et le suivi du présent Accord. Elles fixent les conditions d'organisation de ces réunions en tenant compte des structures déjà existantes.
2. Dans ce cadre, elles encouragent et favorisent :
a) Les programmes de recherche, nationaux et internationaux, visant à permettre le suivi scientifique des dispositions du présent Accord ;
b) Les campagnes de sensibilisation auprès des professionnels et autres usagers de la mer et des organisations non gouvernementales, notamment en ce qui concerne la prévention des collisions entre navires et mammifères marins et la communication aux autorités compétentes de la présence de mammifères marins morts ou en difficulté.

Article 13

Pour assurer l'application des dispositions du présent Accord, les Parties font appel en particulier aux services habilités à exercer la surveillance en mer. Elles s'engagent à coopérer et à s'échanger toute information nécessaire à cet égard. A cette fin, les Parties facilitent l'utilisation mutuelle de leurs ports aériens ou maritimes selon des procédures simplifiées.

Article 14

1. Dans la partie du sanctuaire située dans les eaux placées sous sa souveraineté ou juridiction, chacun des Etats parties au présent Accord est compétent pour assurer l'application des dispositions y prévues.
2. Dans les autres parties du sanctuaire, chacun des Etats parties est compétent pour assurer l'application des dispositions du présent Accord à l'égard des navires battant son pavillon, ainsi que, dans les limites prévues par les règles de droit international, à l'égard des navires battant le pavillon d'Etats tiers.

Article 15

Rien dans le présent Accord ne porte atteinte à l'immunité souveraine des navires de guerre ou autres navires appartenant à/où exploités par un Etat pendant qu'ils sont affectés à un service public non commercial. Toutefois, chaque Etat partie doit s'assurer que ses navires et aéronefs qui jouissent d'immunité souveraine selon le droit international agissent d'une manière compatible avec le présent Accord.

Article 16

Aussitôt que le protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée entrera pour elles en vigueur, les Parties présenteront une proposition conjointe d'inscription du sanctuaire sur la liste des aires spécialement protégées d'importance méditerranéenne.

Article 17

1. Les Parties invitent les autres Etats, qui exercent des activités dans la zone définie à l'article 3, à prendre des mesures de protection similaires à celles prévues par le présent Accord, compte tenu du plan d'action adopté dans le cadre du PAM/PNUE pour la conservation des cétacés en Méditerranée et de l'accord sur la conservation des cétacés de la mer Noire, de la Méditerranée et de la zone atlantique adjacente, ou de tout autre traité pertinent.
2. Le présent Accord est communiqué à toutes les organisations internationales compétentes au plan international ou régional, ainsi qu'aux Parties à la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée.

Article 18

Le présent Accord est soumis à ratification, acceptation ou approbation des Parties signataires.

Article 19

1. Les instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation sont déposés auprès du Gouvernement désigné comme dépositaire du présent Accord.
2. Le présent Accord entrera en vigueur le trentième jour suivant la date du dépôt des instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation des Parties signataires.

Article 20

1. Les Parties peuvent inviter tout autre Etat ou organisation internationale intéressé à adhérer au présent Accord. L'adhésion sera ouverte après l'entrée en vigueur de l'accord.
2. Le présent Accord entrera en vigueur, à l'égard des Parties y adhérant, le trentième jour suivant la date du dépôt de l'instrument d'ahésion, d'acceptation ou d'approbation.

Article 21

1. Toute Partie pourra demander la convocation d'une conférence de révision de l'Accord. Toute révision nécessite l'accord des Parties signataires.
2. Toute Partie pourra dénoncer l'Accord. La dénonciation prendra effet trois mois après sa notification au dépositaire. La dénonciation par une partie adhérente ne comporte pas l'extinction de l'Accord pour les autres Parties.

Article 22

1. Le présent Accord, rédigé en langues française et italienne, chaque version faisant également foi, est déposé aux archives du Gouvernement de la Principauté de Monaco.
2. Le présent Accord sera enregistré par le dépositaire conformément à l'article 102 de la Charte des Nations unies.
Fait à Rome, le 25 novembre 1999.

DECLARATION

Les représentants des trois Parties signataires se félicitent de l'heureux aboutissement d'un dossier sur lequel elles ont travaillé plus de six ans. Bien entendu, comme toute oeuvre humaine, cet accord est perfectible, mais il constitue une première étape cruciale vers une réelle et efficace protection des mammifères en Méditerranée occidentale.
Sans même attendre les procédures de ratification, les Parties signataires vont dès à présent s'employer à faciliter la mise en oeuvre de l'accord en établissant les bases de gestion du sanctuaire.
Les Parties signataires pourront s'appuyer sur les travaux d'ores et déjà engagés entre elles, tant au niveau des Etats que des collectivités territoriales. En particulier, l'expérience acquise dans les instances de l'accord RAMOGE contribuera positivement à la mise en place et à la gestion du sanctuaire.
Les Parties souhaitent, au-delà d'une mise en oeuvre rapide des engagements figurant dans l'Accord par les autorités compétentes des Etats et des collectivités territoriales, que soient dès à présent conduites, en application du principe de précaution, des études sur un certain nombre de points qui pourraient venir en compléter la substance. Il s'agit notamment des conséquences sur les mammifères marins, de l'utilisation des moyens de prospection et de détection sismique ou acoustique et de celles de l'exploitation éventuelle de ressources naturelles non vivantes. Enfin, la question du bruit et de la vitesse des embarcations, déjà évoquée dans l'Accord pour les compétitions d'engins rapides, méritera d'être également examinée.

Fait à Paris, le 18 juillet 2002.

Jacques Chirac Par le Président de la République :
Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin
Le ministre des affaires étrangères, Dominique de Villepin
Pour la Principauté de Monaco :
Bernard Fautrier Ministre plénipotentiaire chargé de la coopération internationale pour l'environnement et le développement
Pour la République française : Dominique Voynet Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
Pour la République italienne : Edo Ronchi Ministre de l'environnement

(1) Le présent accord est entré en vigueur le 21 février 2002.


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