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Décret n° 2015-1674
du 15 décembre 2015
relatif au délégué de bord sur les
navires
NOR: DEVT1429997D
Publics concernés : gens de mer embarqués à bord des navires
battant pavillon français et armateurs.
Objet : missions et fonctionnement de l'institution du délégué
de bord.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le 1er janvier
2016.
Notice : le déléguéde bord représente les gens de mer
travaillant à bord des navires. Le décret précise les
modalités d'exercice de ses missions ainsi que le fonctionnement
de cette institution. Il fixe l'effectif à partir duquel l'élection
d'un délégué de bord est organisée, le nombre de délégués
à élire et la durée de leur mandat. Il précise l'organisation
des élections et les modalités de leur contestation.
Références : le décret est pris pour l'application de l'
article 25 de la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant
diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union
européenne dans le domaine du développement durable. Il peut
être consulté sur le site Légifrance (www.legifrance.gouv.fr).
Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de l'écologie, du développement
durable et de l'énergie,
Vu la convention du travail maritime (ensemble quatre annexes) de
l'Organisation internationale du travail adoptée à Genève le 7
février 2006, publiée par le décret n° 2014-615 du 13 juin
2014
Vu le code des transports, notamment ses articles L. 5534-1, L.
5543-2-1 et L. 5543-3-1 ;
Vu le code du travail, notamment son article R. 742-8-11 ;
Vu le décret n° 78-389 du 17 mars 1978 portant
application du code du travail maritime modifié par la loi n°
77-507 du 18 mai 1977
Vu le décret n° 2007-1227 du 21 août 2007 relatif à la
prévention des risques professionnels maritimes et au bien-être
des gens de mer et dans les ports ;
Vu la consultation des organisations syndicales représentatives
des gens de mer et des organisations représentatives d'employeurs
de gens de mer en date du 29 janvier 2015 ;
Vu l'avis de la Commission nationale de la négociation
collective maritime en date du 13 novembre 2015 ;
Le Conseil d'Etat (section sociale) entendu,
Décrète :
Titre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AU DÉLÉGUÉ DE
BORD
Chapitre Ier
Dispositions générales
Article 1
Pour les navires dont la liste d'équipage mentionnée à l'
article L. 5522-3 du code des transports comporte au moins onze
gens de mer inscrits sur la liste d'équipage, les salariés
ayant la qualité de gens de mer élisent un ou plusieurs
délégués de bord.
L'élection de délégués du personnel représentant l'ensemble
du personnel dans l'entreprise d'armement maritime, en
application de l'article L. 5543-2 du même code et du livre III
de la deuxième partie du code du travail, a lieu sans préjudice
de l'élection de délégués de bord.
Article 2
Aucune limitation ne peut être apportée aux dispositions
relatives à la désignation et à l'exercice des fonctions de
délégués de bord par note de service ou décision unilatérale
du capitaine ou de l'armateur.
Chapitre II
Attributions du délégué de bord
Article 3
Le délégué de bord peut consulter la liste d'équipage du
navire.
Article 4
I. - Si un délégué de bord constate, saisi notamment par tout
gens de mer, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes,
à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles,
il en saisit immédiatement le capitaine.
Le capitaine procède sans délai à une enquête avec le
délégué de bord et prend les dispositions nécessaires pour
remédier s'il y a lieu à cette situation.
II. - En cas de carence du capitaine ou de divergence soit sur la
réalité de cette atteinte, soit sur les mesures appropriées
pour y remédier, et à défaut de solution trouvée avec l'armateur,
le gens de mer ou le délégué de bord, si le gens de mer
intéressé ne s'y oppose pas, peut saisir le tribunal de grande
instance du premier port touché du territoire de la République
suivant l'arrivée du navire.
Le tribunal statue en référé.
Article 5
Lorsqu'il existe un comité d'entreprise ou un comité d'hygiène,
de sécurité et des conditions de travail, le délégué de bord
a qualité pour leur communiquer toutes suggestions ou
observations des gens de mer entrant dans les champs de
compétence de ces comités.
Article 6
Dans les entreprises d'armement maritime de moins de cinquante
salariés dépourvues de section des gens de mer au comité d'hygiène,
de sécurité et des conditions de travail, le délégué de bord
est investi sur le navire des missions dévolues aux membres du
comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Il dispose des mêmes moyens que les membres du comité d'hygiène,
de sécurité et des conditions de travail et est soumis aux
mêmes obligations.
Dans le cas de regroupement de plusieurs entreprises prévu aux
deuxième et troisième alinéas de l'article R. 742-8-11 du code
du travail, les autres attributions des comités d'hygiène, de
sécurité et des conditions de travail sont exercées par les
délégués de bord, conformément aux dispositions du premier
alinéa du présent article.
Article 7
A défaut de section des gens de mer au comité d'hygiène, de
sécurité et des conditions de travail dans les entreprises d'armement
maritime d'au moins cinquante salariés, le délégué de bord
exerce sur le navire les missions du comité d'hygiène, de
sécurité et des conditions de travail.
Il dispose des mêmes moyens que les membres du comité d'hygiène,
de sécurité et des conditions de travail et est soumis aux
mêmes obligations.
Article 8
Lors de ses visites à bord, l'inspecteur du travail se fait
accompagner par le délégué de bord si ce dernier le souhaite.
Chapitre III
Nombre, élection et mandat
Section 1
Nombre
Article 9
Sous réserve des conventions de branche prévoyant un nombre
supérieur, le nombre de délégués de bord est fixé comme suit
:
1° De onze à trente gens de mer portés sur la liste d'équipage
: un titulaire ;
2° De trente et un à cinquante quatre gens de mer portés sur
la liste d'équipage : deux titulaires ;
3° A partir de cinquante cinq gens de mer portés sur la liste d'équipage
: trois titulaires.
Il est élu autant de délégués suppléants que de
délégués titulaires.
Section 2
Elections
Paragraphe 1
Organisation des élections
Article 10
L'armateur informe les gens de mer et les organisations
syndicales représentant les gens de mer au sein de l'entreprise,
par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette
information, de l'organisation des élections. Cette information
précise la date envisagée pour le scrutin.
Les modalités d'organisation des élections, des candidatures,
de la durée du scrutin, du dépouillement et de la proclamation
des résultats sont précisées par voie de convention ou accord
collectif de branche ou d'entreprise.
En cas de carence, l'armateur détermine ces modalités minimales.
En ce cas, le scrutin est ouvert pendant le temps nécessaire à
l'élection de l'ensemble des délégués de bord du navire, le
dépouillement des suffrages a lieu dans les plus brefs délais
et le capitaine informe les gens du mer du résultat des
élections par tout moyen permettant de conférer date certaine
à cette information.
Article 11
Lorsque l'institution du délégué de bord n'a pas été mise en
place ou renouvelée, un procès-verbal de carence est établi
par le capitaine à la date où elle aurait dû être mise en
place ou renouvelée. Le capitaine le porte à la connaissance
des gens de mer, de l'armateur et de l'inspecteur du travail par
tout moyen permettant de donner date certaine à cette
information.
Paragraphe 2
Collèges électoraux
Article 12
Les dispositions du présent décret ne font pas obstacle aux
conventions ou accords collectifs de branche ou d'entreprise
créant des collèges électoraux distincts à bord des navires,
et déterminant leur nombre, leur composition et la répartition
des sièges.
Paragraphe 3
Electorat et éligibilité
Article 13
Sont électeurs tous gens de mer salariés âgés de seize ans
révolus, inscrits sur la liste d'équipage.
Article 14
Sont éligibles tous électeurs âgés de dix-huit ans révolus,
à l'exception du capitaine et de l'officier chargé de sa
suppléance, des conjoints, partenaires d'un pacte civil de
solidarité, concubins, ascendants, descendants, frères,
surs et alliés au même degré de l'armateur, du capitaine
et de l'officier chargé de sa suppléance.
Article 15
Les fonctions de délégué de bord ne sont pas incompatibles
avec celles de délégué du personnel, de membre du comité d'hygiène,
de sécurité et des conditions de travail ou de membre du
comité d'entreprise.
Paragraphe 4
Mode de scrutin et résultat des élections
Article 16
L'élection a lieu au scrutin secret.
En cas de vote par correspondance ou par voie électronique, sa
mise en uvre est subordonnée à la conclusion d'un accord
collectif d'entreprise. Le vote par voie électronique est
effectué dans les conditions des articles R. 2314-8 à R. 2314-21
du code du travail.
La participation à l'élection est considérée comme temps de
travail effectif.
Le scrutin est uninominal, majoritaire et à un tour. Il est
procédé à un vote unique pour chaque délégué de bord
titulaire et chaque délégué de bord suppléant.
Le cas échéant, il est procédé à des votes séparés dans
chacun des collèges.
Article 17
Dès le dépouillement des résultats de l'élection des
délégués de bord, un procès-verbal de dépouillement des
résultats est établi par le capitaine ou le représentant de l'armateur.
Il le transmet à compter du résultat de l'élection à l'armateur
et à l'inspecteur du travail, par tout moyen permettant de
donner date certaine à cette information, et en conserve copie
à bord.
Paragraphe 5
Recours et contestation
Article 18
I. - Les contestations relatives à l'électorat et à la
régularité des opérations électorales sont de la compétence
du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort.
Le tribunal d'instance est saisi des contestations par voie de
déclaration au greffe, par tout moyen permettant de donner date
certaine à cette saisine.
Lorsque la contestation porte sur l'électorat, la déclaration n'est
recevable que si elle est faite dans les trois jours suivant la
publication des candidatures.
Lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection,
la déclaration n'est recevable que si elle est faite dans les
quinze jours suivant la date du procès-verbal mentionné à l'article
17.
II. - Quand le litige naît dans les eaux territoriales ou dans
un port français, le tribunal d'instance compétent est celui de
ce port ou du premier port français touché par le navire.
III. - Lorsque la contestation naît en haute mer ou hors d'un
port français, le recours demeure recevable après l'expiration
des délais fixés aux troisième et quatrième alinéas du I
dans la limite de trois jours suivant l'arrivée du navire dans
le premier port mentionné au II.
IV. - En l'absence de touché d'un port français, le recours
demeure recevable après l'expiration des délais fixés aux
troisième et quatrième alinéas du I dans la limite de trois
jours suivant l'entrée du gens de mer auteur de la contestation
sur le territoire de la République ou son arrivée dans son pays
de résidence. Dans ce cas, le tribunal d'instance compétent est
celui du port d'immatriculation du navire.
V. - Le tribunal statue selon les conditions prévues à l'
article R. 2314-29 du code du travail.
Section 3
Durée et fin du mandat
Article 19
I. - Le mandat du délégué de bord s'exerce tant que la liste d'équipage
valable au jour de l'élection n'est pas renouvelée de plus de
la moitié, et dans la limite de quatre ans. La durée maximale
du mandat du délégué de bord peut être fixée par convention
ou accord collectif, sans être supérieure à quatre ans.
Lorsque le travail à bord du navire est organisé par rotation
de l'équipage, le délégué de bord est élu jusqu'au
renouvellement de plus de la moitié de la liste d'équipage sur
laquelle sont portés les gens de mer l'ayant élu.
II. - Le mandat du délégué de bord est renouvelable.
III. - Ses fonctions prennent fin :
1° Soit par l'expiration du mandat dans les conditions prévues
au I ;
2° Soit par le décès, la démission, la rupture du contrat de
travail, la fin du contrat de travail, la fin de la mise à
disposition ou la perte de la qualité de gens de mer.
Le délégué de bord conserve son mandat en cas de changement de
collège, dans le cas où il existe des collèges distincts.
Article 20
Les dispositions des articles R. 2421-8 à R. 2421-17 du code du
travail s'appliquent au délégué de bord pendant toute la
durée de son mandat et durant les six premiers mois suivant l'expiration
de ce mandat ou la disparition de l'institution.
Article 21
Lorsqu'un délégué titulaire est momentanément absent pour une
cause quelconque, il est remplacé par le suppléant élu qui a
obtenu le plus de voix.
En l'absence de suppléant, une convention ou accord collectif de
branche ou d'entreprise peut prévoir les modalités de
remplacement du délégué titulaire. A défaut, le délégué de
bord est remplacé par le candidat non élu ayant obtenu le plus
de voix.
Le suppléant exerce les fonctions du titulaire jusqu'au retour
de celui qu'il remplace ou jusqu'au renouvellement de l'institution.
Article 22
Si aucun délégué de bord, titulaire ou suppléant, n'est
présent à bord du navire pour un motif d'absence simultanée
fixé par convention ou accord collectif de branche ou d'entreprise
sans pouvoir être supérieur à cinq jours d'embarquement
continu, ou, s'agissant du délégué de bord titulaire, pour l'une
des causes indiquées au III de l'article 19, le capitaine fait
procéder sans délai à de nouvelles élections.
Chapitre IV
Fonctionnement
Section 1
Heures de délégation
Article 23
Sous réserve des nécessités du service ou de circonstances
mettant en jeu la sécurité du navire, des personnes ou des
biens transportés, le capitaine est tenu de réserver au
délégué de bord le temps nécessaire à l'exercice de ses
fonctions dans la limite de quinze heures par mois.
Ce temps est considéré comme temps de travail effectif.
L'armateur qui entend contester l'utilisation faite des heures de
délégation saisit préalablement le tribunal d'instance du port
d'immatriculation du navire.
Section 2
Déplacement et circulation
Article 24
Le délégué de bord peut, tant durant les heures de
délégation qu'en dehors de ses heures habituelles de travail,
circuler librement à bord du navire et y prendre tous contacts
nécessaires à l'accomplissement de sa mission, notamment
lorsque les gens de mer sont à leur poste de travail, sous
réserve de ne pas occasionner de gêne à l'accomplissement du
travail et au respect des conditions de sécurité et de sûreté
du navire.
Section 3
Local et affichages
Article 25
Le capitaine met à disposition du délégué de bord de façon
temporaire un lieu pour lui permettre d'accomplir sa mission et d'organiser
une réunion. A défaut, ce lieu est à bord l'espace collectif
de vie où peut se tenir une réunion.
Article 26
Le délégué de bord affiche dans la langue de travail à bord
définie à l' article L. 5513-1 du code des transports, sur les
emplacements prévus à bord à cet effet, les informations qu'il
a pour rôle de porter à la connaissance de l'équipage.
Section 4
Réunions
Article 27
Le capitaine reçoit une fois par mois le délégué de bord.
Lorsqu'il y en a plusieurs, ils sont reçus ensemble.
Les délégués de bord sont également reçus par le capitaine,
sur leur demande.
Les délégués de bord suppléants peuvent assister aux
réunions.
Article 28
Sauf circonstances exceptionnelles, le délégué de bord remet
au capitaine par écrit l'objet des demandes présentées, deux
jours avant la date à laquelle il doit être reçu.
L'armateur ou le capitaine répond par écrit à ces demandes, au
plus tard dans les sept jours suivant la réunion.
Article 29
I. - Le capitaine tient à bord de tout navire un registre des
plaintes et réclamations mentionnées à l' article L. 5534-1 du
code des transports.
Les demandes du délégué de bord et les réponses motivées de
l'armateur ou du capitaine à ces demandes sont portées ou
reproduites à ce registre.
II. - Le registre des plaintes et réclamations est tenu à bord
à la disposition des gens de mer, de l'inspecteur du travail et
de l'inspecteur de la sécurité des navires et de la prévention
des risques professionnels maritimes.
Article 30
Le temps passé en réunion en application de l'article 25 est
considéré pour les délégués de bord, titulaires ou
suppléants, comme temps de travail effectif.
Ce temps n'est pas déduit du crédit d'heures mentionné à l'article
23.
Titre II
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article 31
I. - Pour l'application des articles 4, 18 et 23 à Saint-Pierre-et-Miquelon,
les attributions dévolues à la juridiction mentionnée à ces
articles sont exercées par le tribunal de première instance.
II. - Pour l'application du présent décret, les mots : « port
français » s'entendent des ports de métropole, de Guadeloupe,
de Guyane, de Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy,
de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Article 32
Les dispositions du présent décret ne s'appliquent pas aux
navires immatriculés à Mamoudzou (Mayotte).
Article 33
I.-Les articles 2 à 20 du décret du 17 mars 1978 susvisé
sont abrogés.
II.-A l' article R. 742-8-11 du code du travail, le premier
alinéa et, au quatrième alinéa, les mots : « ; les autres
attributions des comités d'hygiène, de sécurité et des
conditions de travail sont alors exercées par les délégués de
bord, conformément aux dispositions du premier alinéa du
présent article» sont abrogés.
Article 34
Les délégués de bord élus à la date d'entrée en vigueur du
présent décret conservent leur mandat, dans les conditions et
durée prévues à la date de leur élection.
Article 35
Le présent décret entre en vigueur le 1er janvier 2016.
Article 36
La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie,
la ministre des outre-mer et le secrétaire d'Etat chargé des
transports, de la mer et de la pêche sont chargés, chacun en ce
qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera
publié au Journal officiel de la République française.
Fait le 15 décembre 2015.
Manuel Valls
Par le Premier ministre :
La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie,
Ségolène Royal
La ministre des outre-mer, George Pau-Langevin
Le secrétaire d'Etat chargé des transports, de la mer et de la
pêche,