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Jugement du trubunal correctionnel
de Quimper du 5 décembre 1905

Pêche maritime :
décret du 13 septembre 1905.
Interdiction de la pêche de nuit.
Absence de définition précise du terme "nuit". Interprétation.

Navire : Saint Antoine n° 140.

 

A défaut de toute définition précise dans le texte d'un décret interdisant la pêche de nuit, il y a lieu de prendre le terme "nuit" dans son sens usuel, et non dans son sens scientifique, et de l'appliquer au temps pendant lequel la clarté est insuffisante pour permettre de distinguer la forme et la couleur des objets. C'est là une question de pur fait à résoudre par les tribunaux suivant les circonstances de chaque espèce.

(Ministère public c. Quantric et autres)


JUGEMENT

LE TRIBUNAL,

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- Attendu qu'il échet seulement de rechercher s'il y a eu pêche de nuit et, en conséquence, d'interpréter sur ce point le sens du décret dont l'application est demandée ; et ce, à défaut d'une définition précise fournie par le texte lui-même ;

- Attendu tout d'abord que, pour la détermination du temps de la nuit, il ne saurait être tenu aucun compte, en l'absence d'une indication précise sur ce point, de la constatation des heures auxquelles les phares sont allumés ou éteints ; que la règlementation des phares a un caractère purement administratif dont on ne peut tirer aucune conséquence légale ;

- Attendu ensuite qu'il paraît difficile d'admettre que le décret, par le mot "nuit", ait voulu entendre rigoureusement le temps compris entre les heures du coucher et du lever du soleil, lesdites heures déterminées astronomiquement ; qu'une précision de cette nature serait peut-être désirable en ce sens qu'elle pourrait fermer la voie, le cas échéant, à toutes contestations, mais qu'on doit supposer que si le décret avait entendu imposer ce sens précis et restreint, il n'eût pas manquer de le stipuler d'une manière formelle et dans des termes absolus ;

- Attendu que, d'ailleurs, et d'une manière générale, l'administration de la marine ne paraît pas, en matière de pêche, vouloir donner l'expression "nuit", le sens indiqué ci-dessus ; qu'en effet l'article 47 du décrat du 4 juillet 1853, en ce qui concerne la sardine et le hareng, interdit cette pêche la "nuit" mais précise aussitôt que cette expression doit s'entendre du temps compris entre l'heure qui suit le coucher du soleil et l'heure qui précède son lever ;

- Attendu qu'à défaut de toute précision dans le texte, il y a lieu d'interpréter le mot "nuit" non dans son sens scientifique mais dans son sens usuel, en langage courant, et de décider que cette expression doit s'entendre par opposition au jour du temps quotidien pendant lequel la clarté est insuffisante pour permettre de distinguer la forme et la couleur des objets ;

- Attendu que la question de nuit deveint une question de pur fait, pour la solution de laquelle les tribunaux ont un pouvoir souverain d'appréciation, eu égard à toutes les circonstances de chaque cause à eux soumises ;

- Attendu, en fait, que s'il est certain que, le 25 octobre au matin, l'heure légale du lever du soleil était de 6 h 28, il est néanmoins constant qu'à 6 h 10, au moment où les prévenus ont été vus se livrant à la pêche, le jour était levé, et que la lumière était suffisante non seulement pour permettre de distinguer vaguement les formes et les couleurs, mais même pour permettre à l'inspecteur des pêches, ainsi qu'il l'a déclaré lui-même, de voir et de relever le numéro des bateaux à une certaine distance ; qu'il y a lieu de conclure que la nuit n'était plus dans le sens du décret ;

PAR CES MOTIFS,

Renvoie les prévenus des fins de la présente plainte, sans dépens.


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