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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 20 novembre 1984

Casse et Annule

N° de pourvoi : 84-91-829
Président : Pdt. M. Berthiau Faisant Fonctions, président

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Bulletin criminel 1984 n° 355

 

 

 

Statuant sur le pourvoi forme par:
- x... José Antonio,
- y... Inaki,

Contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Pau, en date du 14 mars 1984, qui a refusé d'annuler des actes de la procédure d'information suivie contre deux des chefs de détention et transport d'armes de la 1re et 4e catégorie, recel de documents administratifs falsifiés et a désigné un autre juge d'instruction pour continuer ladite information;
Vu l'ordonnance de m. Le président de la chambre criminelle, en date du 19 juin 1984, prescrivant, en application des articles 570 et 571 du code de procédure pénale, l'examen immédiat du pourvoi;
Vu le mémoire produit;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 56, 57, 170, 171, 204 et 206 du code de procédure pénale;
" en ce que l'arrêt attaque a dit que la nullité des procès-verbaux de mise sous scelles n'a pas été relevée par le juge d'instruction, seul habilite a saisir la chambre d'accusation;
" aux motifs, d'une part, que le procureur général n'est pas recevable comme ne figurant pas parmi les autorités limitativement énumérées par la loi, a relevé un cas de nullité non vise dans l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction;
" alors que le procureur de la république et le procureur général sont, dans l'instance pénale, une seule et même personne: le ministère public, partie poursuivante;
Que, des lors, l'article 171 du code de procédure pénale, en laissant au procureur de la république la faculté de soumettre toute nullité a la chambre d'accusation, a, a fortiori, attribué la même compétence au procureur général, supérieur hiérarchique du procureur de la république;
" et aux motifs, d'autre part, qu'au moment de l'inventaire (c. D. 16) l'officier de police judiciaire a indiqué: " dont procès-verbal clos signé par nous et nos assistants, les intéressés refusant de signer le présent ";
Qu'il en résulte que la procédure est régulière et qu'aucun des actes critiqués n'est de nature à porter atteinte aux droits de la défense;
" alors que contrairement aux affirmations de la cour, le procès-verbal côte d. 16 d'inventaire et de mise sous scellés, ne constate à aucun endroit la présence des intéressés et ne comporte aucune mention sur leur refus de signer;
Que des lors la procédure est irrégulière comme ayant été effectuée hors la présence des intéressés en violation de l'article 56 du code de procédure pénale et des droits de la défense;
" et alors, enfin et en tout état de cause, que la chambre d'accusation ne pouvait sans se contredire ni excéder ses pouvoirs déclarer qu'elle n'était pas valablement saisie, par les réquisitions du procureur général, de la nullité des procès-verbaux de saisie et mise sous scelles, et ensuite, statuer au fond sur lesdites nullités;
" sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 56, 57, 170, 171 du code de procédure pénale;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit régulière la procédure de perquisition et de saisie ;
" aux motifs que le bateau sur lequel a été effectuée la perquisition, hors la présence des intéressés, ne peut être assimilé à un domicile ;
Qu'en outre cette embarcation était difficile d'accès et qu'il n'était pas possible de faire descendre un " prévenu " par l'étroit escalier;
" alors, d'une part, que la cabine d'un bateau, dont la porte ferme à clef et qui contient les affaires personnelles de ses occupants est un domicile au sens de l'article 56 du code de procédure pénale ;
Que des lors toute perquisition doit être effectuée en présence des intéressés, conformément a l'article 57 du code de procédure pénale;
" et alors, d'autre part, que le magistrat instructeur, qui s'était rendu sur les lieux, avait relevé " que la configuration des lieux et les dimensions du bateau auraient permis sans difficultés aux intéressés de prendre place sur l'embarcation même ";
Que dés lors c'est par une contradiction flagrante des pièces de la procédure que la chambre d'accusation a affirmé qu'il était impossible de faire descendre un " prévenu " sur ladite embarcation;
Qu'ainsi, aucune impossibilité n'existant à la présence des inculpés sur les lieux de la perquisition et la saisie pratiquée étant de nature à porter atteinte à leurs intérêts, la procédure effectuée hors leur présence est nulle;
" lesdits moyens étant réunis;
Attendu qu'après avoir exposé les conditions dans lesquelles un officier de police judiciaire, agissant suivant la procédure de flagrant délit, a été amené à opérer une perquisition dans un bateau mesurant cinq mètres de long la chambre d'accusation, pour décider que celui-ci ne pouvait, au sens de l'article 57 du code de procédure pénale, être considéré comme le domicile de x..., le seul des inculpes qui, lors de son interpellation, ait reconnu avoir utilisé ledit bateau, note " qu'il s'agit d'une petite embarcation, sans aucun aménagement, achetée cinq jours auparavant par y... En présence, certes, de x..., mais qui ne leur servait que de moyen de transport " et qui ne pouvait être assimilée a " un yacht de plaisance, un voilier de haute mer ou une péniche ";
Qu'elle en a déduit que les dispositions du texte précité ne s'appliquaient pas " à la visite de l'embarcation du prévenu circulant occasionnellement le long du rivage entre la France et l'Espagne ni à la saisie des objets frauduleusement détenus qui y sont contenus ";
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations qui relèvent de leur pouvoir d'appréciation, les juges ont justifié leur décision;
Qu'il s'ensuit, dés lors, que la saisie, dans le bateau en cause, des objets découverts, n'ayant pas été effectuée au domicile des demandeurs, ceux-ci ne sauraient se faire un grief de ce que le procès-verbal d'inventaire des scellés ne ferait pas mention de leur présence;
Qu'en effet, les dispositions de l'article 56 du code de procédure pénale n'imposent la présence audit inventaire que des personnes ayant assisté a la perquisition dans les conditions prescrites par l'article 57 du même code;
Qu'enfin la contradiction existant entre l'énonciation faite par la chambre d'accusation, quant a la validité de sa saisine en ce qui concerne le procès-verbal d'inventaire et l'examen qu'elle a fait de la régularité dudit procès-verbal est sans conséquence, des lors que les inculpés ne sont pas recevables à invoquer la nullité de cette pièce;
Qu'ainsi les moyens réunis doivent être écartés;
Mais sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 206 du code de procédure pénale;
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir refusé d'annuler la procédure qui lui était soumise, a ordonné la poursuite de l'information et désigné m. Cousteaux, juge d'instruction au même tribunal, pour y procéder;
" alors qu'aux termes de l'article 206, c'est seulement lorsqu'elle annule que la chambre d'accusation a le droit de renvoyer le dossier de la procédure " au même juge d'instruction ou à tel autre ";
Qu'en l'espèce, n'ayant prononcé aucune nullité, la chambre d'accusation ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, désigner m. Cousteaux pour poursuivre l'information a la place de m. Fau, légalement désigné par le président du tribunal de grande instance de Bayonne;
" vu ledit article;
Attendu que selon l'alinéa 3 de l'article 206 du code de procédure pénale, ce n'est que lorsqu'elle prononce l'annulation d'actes de la procédure que la chambre d'accusation peut renvoyer le dossier de ladite procédure à un autre juge d'instruction que celui qui en était régulièrement chargé;
Attendu que l'arrêt attaqué n'a prononcé la nullité d'aucun acte de la procédure;
Qu'il s'ensuit que c'est à tort que les juges ont désigné m. Cousteaux, juge d'instruction, pour continuer l'information au lieu de m. Fau qui en avait été régulièrement chargé, conformément aux prescriptions de l'article 83 du code de procédure pénale;
Qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la chambre d'accusation a méconnu la portée de l'article 206 précité et excédé ses pouvoirs;
Que la cassation est encourue de ce chef;


Par ces motifs;
Casse et annule, mais en ses seules dispositions désignant m. Cousteaux pour poursuivre l'information, et par voie de retranchement, l'arrêt en date du 14 mars 1984 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Pau;
Dit que les autres dispositions dudit arrêt sont expressément maintenues;
Dit qu'il n'y a lieu a renvoi.

Titrages et résumés
CHAMBRE D'ACCUSATION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Refus - Désignation d'un autre juge d'instruction (non).

* INSTRUCTION - Nullités - Chambre d'accusation - Saisine - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Refus - Désignation d'un autre juge d'instruction (non).

Selon l'alinéa 3 de l'article 206 du Code de procédure pénale, ce n'est que lorsqu'elle prononce l'annulation d'actes de la procédure que la chambre d'accusation peut renvoyer le dossier de ladite procédure à un autre juge d'instruction que celui qui en était régulièrement chargé.

Décision attaquée
Cour d'appel de Pau, chambre d'accusation, 14 mars 1984

Textes appliqués
Code de procédure pénale 206 al. 3

Magistrats et avocats
Pdt. M. Berthiau Faisant Fonctions, président
Av.Gén. M. Rabut, avocat général
Av. Demandeur : SCP Waquet, avocat(s)
Rapp. M. Zambeaux, rapporteur

 


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