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N° de pourvoi : 96-84929 REJET du pourvoi formé par Le Cap Jean-Claude,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre,
en date du 26 septembre 1996, qui, pour mise en danger délibérée
d'autrui, l'a condamné à 50 000 francs d'amende dont 40
000 francs avec sursis. Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 223-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, renversement de la charge de la preuve, violation du principe de la présomption d'innocence, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale : " en ce que l'arrêt a déclaré Jean-Claude Le Cap coupable de l'infraction de mise en danger délibérée de la personne d'autrui et l'a condamné en répression à la peine d'amende de 50 000 francs dont 40 000 francs avec sursis ; " aux motifs que pour être constitué en ses éléments matériels, le délit visé à l'article 223-1 du Code pénal suppose, d'une part, la violation d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement et, d'autre part, l'existence pour autrui d'un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ; qu'en l'espèce, sur le premier point, 112 personnes ont pris place au mépris des règles de sécurité conditionnant la mise en service du bâtiment Acadie dont le permis de navigation fixait le nombre maximum admissible à bord à 608 personnes, équipage compris ; que sur le second point, l'existence de conditions météorologiques favorables ne sauraient à elles seules exclure le risque majeur pour des passagers en surnombre, confrontés à la survenance toujours possible d'une avarie mécanique, d'un incendie, voire d'une collision, de ne pouvoir disposer tous d'engins de sauvetage garantissant la sauvegarde de leur vie ; " alors, d'une part, que l'exposition délibérée de la personne d'autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures graves suppose que l'auteur de l'infraction a créé pour autrui un danger certain, actuel et non hypothétique ; que, dès lors, la cour d'appel, en se bornant à constater que 112 personnes avaient pris place à bord au mépris des règles de sécurité conditionnant la mise en service du bâtiment Acadie dont le permis de navigation fixait le nombre maximum admissible à bord à 608 passagers, membres de l'équipage compris, et en ne relevant aucun autre fait précis de nature à établir que les 112 passagers supplémentaires, qui ne disposaient pas de moyens de sauvetage, avaient été exposés à un risque de mort ou de blessures mutilantes, n'a pas donné de base légale à sa décision ; " alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué, qui
a affirmé que l'existence de conditions météorologiques
favorables n'était pas exclusive du risque majeur pour
des passagers en surnombre, ne disposant pas des moyens
de sauvetage propres à sauvegarder leur vie, de se voir
confrontés à la survenance toujours possible, soit
d'une avarie mécanique, soit d'un incendie, soit d'une
collision, a statué par un motif hypothétique sur l'élément
matériel de l'infraction constitué par l'existence d'un
risque immédiat de mort ou de blessures graves ; que, dès
lors, l'arrêt attaqué est entaché d'une insuffisance
de motif ; " alors, enfin, que l'exposition de la personne d'autrui aux risques visés à l'article 223-1 du Code pénal dépend de circonstances de fait dont la preuve incombe au ministère public ; que le seul fait que 112 passagers supplémentaires aient pris place au mépris des règles de sécurité conditionnant la mise en service à bord du bâtiment Acadie n'est pas déterminant du risque direct et immédiat, nécessaire à la caractérisation de l'infraction, de sorte que la cour d'appel, prononçant la culpabilité de Jean-Claude Le Cap, en fonction de cette seule considération, a inversé la charge de la preuve appartenant au ministère public et a violé les textes susvisés " ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 223-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale : " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude Le Cap coupable de l'infraction de mise en danger délibérée de la personne d'autrui, et l'a condamné en répression à la peine d'amende de 50 000 francs dont 40 000 francs avec sursis ; " aux motifs que Jean-Claude Le Cap, se prévalant des informations lui ayant été communiquées par le receveur, affirme que son manquement n'aurait pas été délibéré ; qu'une telle affirmation ne résiste pas à l'examen des circonstances de fait ; qu'il importe, en effet, de relever que devant l'affluence de personnes présentes sur le quai au moment de l'embarquement, le chef de l'exploitation de la CMN affirme avoir alors rappelé au personnel les consignes nécessaires aux fins de mise en place du panneau "bateau supplémentaire" ; que, de sa position sur le pont du navire, le prévenu, qui supervisait les manoeuvres et le chargement, percevait nécessairement les risques d'un embarquement excessif ; qu'enfin, et surtout, la présence sur le navire de 112 personnes en surnombre, soit environ 20 % de la capacité autorisée, ne saurait laisser le moindre doute sur la conscience qu'avait Jean-Claude Le Cap, commandant du navire, de la violation des obligations s'imposant à lui ; " alors que la mise en danger de la personne d'autrui au sens de l'article 223-1 du Code pénal comporte la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité et de prudence ; qu'il s'ensuit que le délit de mise en danger exige plus qu'une simple défaillance ; que, dès lors, en retenant que Jean-Claude Le Cap avait conscience de la violation des obligations s'imposant à lui, dès lors qu'il avait toléré la présence sur le navire d'un nombre de passagers supérieur de 20 % à la capacité autorisée, tout en constatant que les conditions météorologiques étaient favorables, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de mise en danger d'autrui " ; Les moyens étant réunis ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un navire appartenant à la Compagnie morbihannaise et nantaise de navigation, dont la capacité était, aux termes du permis de navigation, limitée à 600 passagers, a assuré le transport, entre Belle-Ile et Quiberon, de 112 personnes en surnombre, en violation des prescriptions de l'article 49 du décret du 30 août 1984 relatif aux conditions générales de sécurité concernant les engins de sauvetage individuels et collectifs ; que Jean-Claude Le Cap, commandant du navire, est poursuivi pour mise en danger délibérée d'autrui, sous le visa des dispositions réglementaires précitées et de l'article 223-1 du Code pénal ; Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, soutenant qu'eu égard aux conditions de navigation existant le jour des faits, la surcharge du bateau n'avait entraîné aucun risque immédiat pour les passagers, la juridiction du second degré retient que "l'existence de conditions météorologiques favorables ne saurait exclure, pour des passagers en surnombre confrontés à la survenance toujours possible d'une avarie mécanique, d'un incendie voire d'une collision, le risque majeur de ne pouvoir, tous, disposer d'engins de sauvetage garantissant la sauvegarde de leur vie" ; Que les juges ajoutent que Jean-Claude Le Cap, qui, alerté par l'affluence des personnes présentes sur le quai au moment de l'embarquement, percevait nécessairement les risques d'un chargement excédant largement les capacités de son navire, a délibérément violé les règles de sécurité qui s'imposaient à lui ; Qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 223-1 du Code pénal ; Que les moyens ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi. Publication : Bulletin
criminel 1998 N° 57 p. 153 |