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Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 9 juillet 2013
N° de pourvoi: 12-21062
Publié au bulletin Cassation

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Al Mar, propriétaire du navire « Prince », ayant été mise en liquidation judiciaire le 17 février 2010, une ordonnance du juge-commissaire, passée en force de chose jugée, a autorisé le liquidateur à vendre de gré à gré le navire à la société Côte radieuse ; que celle-ci refusant de payer le prix, au motif que l'acte de francisation du navire ne lui avait pas été remis en original, le liquidateur l'a assignée en paiement, tandis qu'elle a demandé reconventionnellement « l'annulation » de la vente ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1615 du code civil, 218 du code des douanes, et 4 de la loi du 3 janvier 1967 relative au statut des navires ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société Côte radieuse et la condamner à payer au liquidateur le prix de vente du navire fixé par l'ordonnance du juge-commissaire, l'arrêt retient que celle-ci précisait que le navire serait pris en l'état et que son acquéreur ferait son affaire personnelle de toutes les autorisations nécessaires à sa navigabilité ou à son exploitation, sans qu'il puisse rechercher la procédure collective pour quelque cause que ce soit et en déduit que la société Côte radieuse n'est pas fondée à invoquer un défaut de pièce administrative pour refuser de payer le prix fixé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'original de l'acte de francisation, qui doit se trouver à bord de tout navire francisé prenant la mer, est un document indispensable à l'utilisation normale du navire, et en constitue l'accessoire, de sorte que manque à son obligation de délivrer la chose vendue le liquidateur judiciaire du vendeur qui ne le remet pas à l'acquéreur, sans qu'une mention de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente puisse le soustraire à l'exécution de cette obligation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore qu'en tout état de cause le « certificat » de francisation a été remis à la société Côte radieuse par le liquidateur judiciaire le 28 juillet 2010 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait du jugement confirmé et des conclusions concordantes des parties que seule une copie de l'acte de francisation avait été remise à la société Côte radieuse après le prononcé de l'ordonnance du juge-commissaire, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne M. X..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Al Mar, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Côte radieuse

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société COTE RADIEUSE à payer la somme de 23.000 euros à Maître X..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société AL MAR,

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'ordonnance du 23 juin 2010 par laquelle le juge-commissaire a autorisé le liquidateur judiciaire à céder le navire à la société Côte Radieuse moyennant 23 000 euros prévoyait expressément : « Disons que le navire sera pris en l'état, que l'acquéreur fera son affaire personnelle de toutes les autorisations et de toutes les mises en conformité nécessaires à la navigabilité ou à l'exploitation du navire sans qu'il puisse rechercher la procédure collective pour quelque cause que ce soit » ; que cette ordonnance est passée en force de chose jugée ; que, dès lors, l'acquéreur n'est pas fondé à invoquer un défaut de pièce administrative pour refuser de payer le prix convenu, d'autant que le certificat de francisation qu'il se plaint de ne pas avoir reçu lui a été remis par le liquidateur judiciaire le 28 juillet 2010 (arrêt, p. 4 § 1 à 3) ;

ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE par ordonnance en date du 23 juin 2010, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la SARL Al Mar a autorisé la vente du navire « Prince » dépendant de l'actif de ladite société à la SARL Côte Radieuse qui a proposé de racheter le bateau en l'état pour un prix de 23.000 euros ; que le permis de navigation a été renouvelé pour un an le 18 mai 2009 à Port la Nouvelle , que l'ordonnance sus-visée précise que l'acquéreur fera son affaire personnelle de toutes les autorisations et mises en conformité nécessaires à la navigabilité et à l'exploitation du navire sans qu'il puisse rechercher la procédure collective pour quelque cause que ce soit ; que, disposant d'une copie de l'acte de francisation, il appartenait à la SARL Côte Radieuse de faire le nécessaire pour prendre effectivement possession du navire que, de plus, s'agissant d'un acheteur professionnel de la navigation, il lui était facile d'une part de se rendre compte de l'état du navire et, d'autre part, de procéder rapidement au transfert de propriété ; que l'acceptation par le juge commissaire de l'offre émise par la SARL Côte Radieuse rend la vente parfaite puisqu'il y a eu accord sur la chose et sur le prix ; qu'en conséquence, il convient de faire droit à la demande de Maître Pierre Jean X..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Al Mar, et de condamner la SARL Côte Radieuse à lui payer, ès qualités, la somme de 23.000 euros (jugement, p. 2, § 1 à 6).

1) ALORS QUE tout navire francisé qui prend la mer doit avoir à son bord son acte de francisation ; que le vendeur est tenu de délivrer la chose vendue et tous ses accessoires ; qu'à défaut de délivrance d'un accessoire essentiel de la chose, la résolution de la vente, fût-elle sur autorisation de justice, peut toujours être prononcée ; que pour rejeter la demande de la société Côte Radieuse tendant à la résolution de la vente du navire « Prince » pour défaut de délivrance de l'acte original de francisation, la cour d'appel a relevé que la vente était parfaite dès le prononcé de l'ordonnance du 23 juin 2010 et que l'acquéreur s'était engagé à prendre le navire en l'état ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les articles 4 de la loi du 3 janvier 1967, 1604, 1615 du code civil par refus d'application et 1649 du code civil par fausse application.

2) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il résultait tant du jugement que des conclusions de Maître X... et de la Sarl Côte Radieuse que seule une copie de l'acte de francisation avait été remise à cette dernière ; qu'en retenant, pour rejeter la demande tendant à la résolution de la vente du navire, que le certificat de francisation avait été transmis par le liquidateur judiciaire le 28 juillet 2010, quand il était considéré comme constant par les parties que seule une copie de cet acte avait été remise à l'acquéreur, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a, partant, violé l'article 4 du code de procédure civile.

M. Espel , président
M. Rémery, conseiller rapporteur
Mme Pénichon, avocat général
Me Blondel, SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat(s)


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