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N° de pourvoi : 14-86070

Président : M. Guerin

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Audience publique du mardi 10 novembre 2015

Rejet

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Dmytro X...,
- La société Trefin Adam Maritime,


contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 30 juin 2014, qui, pour rejet de substance polluante par un navire, a condamné le premier, à 50 000 euros d'amende, la seconde, à 200 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication et d'affichage, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de Me HAAS, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 218-11, L. 218-13, L. 218-21, L. 218-22, L. 218-23, L. 218-24, L. 218-30 du code de l'environnement, des règles 6 et 13 du chapitre 2 de l'annexe II de la Convention Marpol 73/ 78, de l'article préliminaire, 591, 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... et la société Trefin Adam Maritime Limited coupables de pollution maritime, en répression, a condamné M. X... à une amende de 50 000 euros, dont 25 000 euros sera supportée par la société Trefin Adam Maritime et la société Trefin Adam Maritime à une amende de 200 000 euros et a statué sur les intérêts civils ;

" - aux motifs que le lieutenant de vaisseau M. Jean Max A...a décrit de façon très précise l'approche du navire avec son aéronef pour identifier et décrire clairement la pollution repérée ;
- qu'il a ainsi successivement approché l'arrière du navire pour descendre à 700 pieds en remontant son sillage afin d'identifier le type de pollution pour ensuite passer à tribord afin de confirmer le rattachement de la pollution à l'arrière du navire ;
- qu'il s'est ensuite porté sur l'avant du navire afin de démontrer que celui-ci était propre et que seul son sillage était pollué ;
- qu'il a ainsi constaté un changement de coloration des eaux dans le sillage du bateau ;
- que toutes ces opérations démontrent le caractère complet de l'inspection du secteur ainsi opéré ;
- que l'officier de marine a indiqué devant le tribunal que depuis vingt ans il avait cette activité,
- passant son temps à voler sur l'eau, ayant effectué par ailleurs un stage spécifique de formation à la pollution ;
- qu'il s'agit en l'espèce d'une constatation visuelle par un agent de la Marine nationale par application des articles L. 218-26 et L. 218-27 du code de l'environnement ;
- que suivant l'article L. 218-28 du code de l'environnement, le procès-verbal fait foi jusqu'à preuve contraire ;
- que si, dans leurs conclusions, les prévenus font remarquer que l'aéronef aurait pu, en passant de l'autre côté du navire, « faire dos au coucher du soleil et vérifier que le changement de couleur décrit existait réellement et n'était pas simplement l'effet des remous provoqués par le passage du bateau », M. A...a répondu sur ce point qu'il n'avait pas le droit de franchir les eaux territoriales italiennes sans autorisation préalable et ainsi de passer à bâbord ;
- qu'il convient néanmoins de remarquer que l'aéronef a survolé la trace suspecte lorsqu'il s'est approché du navire par l'arrière en remontant son sillage ;
- que le lieutenant du vaisseau s'est expliqué devant le tribunal puis en appel sur la qualification du compte-rendu (POLREP) de pollution classifié de « douteux » en disant qu'en cochant « douteux », il avait voulu dire qu'il n'était pas sûr de la nature du rejet car traditionnellement il agissait pour des rejets d'hydrocarbures ;
- qu'en tout état de cause, les sept photographies et la vidéo de la procédure prise par l'officier de marine démontrent qu'aucune autre embarcation à proximité ne peut être à l'origine de la pollution ;
- qu'en ce qui concerne les dimensions générales de la nappe dans son rapport, il précisera qu'elle avait une longueur de 12, 4 km pour une largeur de 0, 2 km ;
- que M. A...a admis ultérieurement devant le tribunal et en appel s'être trompé pour sa largeur ;
- qu'à l'évidence au regard des photos et de la vidéo, la largeur du sillage est beaucoup plus étroite ;
- que lors de son contact radio avec l'aéronef, M. X... reconnaissait être en train de nettoyer ses cuves mais qu'il ne rejet ait rien en mer, puis le capitaine interrompait la communication après que M. A...l'eut informé qu'il dressait procès-verbal ;
- qu'après cette communication, les rejets ont persisté ainsi que l'a noté l'officier de marine verbalisateur ;
- que la transcription de la communication téléphonique entre le navire Trefin Adam et le Cross Méditerranée en Corse démontre que le commandant reconnaît avoir procédé au nettoyage des cuves mais en cycle fermé sans rejets ;
- que la précédente cargaison du navire était du Faty Acide Methym Ester (Fame), catégorie de pollution Y relevant de l'annexe II de la Convention Marpol ;
- que l'expertise effectuée par M. D..., expert en pollution maritime, requis sur autorisation du parquet de Marseille les 30 et 31 janvier 2012 aux fins d'examiner les photos et le film pris lors de la constatation du rejet par l'aéronef de la marine nationale, confirme la nature du produit rejeté;
- qu'ainsi l'expert identifie le ruban continue argenté d'une largeur constante, le produit restant par ailleurs flottant et visible sur plusieurs kilomètres et s'étalant très peu, comme typique d'un rejet à la mer de produits huileux d'origine végétale ;
- que les prévenus dans leurs conclusions reprochent au lieutenant de vaisseau M. A...de ne pas avoir utilisé un certain nombre d'équipements que possède le Falcon 50 permettant de procéder à des constatations plus précises et pouvant identifier et caractériser le polluant : système infrarouge, radars, scanner et radiomètre micro-ondes et enfin un enregistrement FLIR (analyse du rayonnement thermique dans la bande spectrale) ;
- que ce sur point, l'officier de marine a répondu que la vision infrarouge peut être très fiable mais qu'à l'inverse, la vue peut être meilleure ;
- qu'il a également effectué un enregistrement FLIR mais qu'il ignorait les raisons de son absence en procédure ;
- que la défense reproche également aux enquêteurs d'avoir omis d'effectuer des prélèvements sur place permettant d'avoir une certitude sur la nature du produit rejeté ;
- que sur ce point, des difficultés techniques pouvaient apparaître à cette heure tardive de la journée au mois de janvier au coucher du soleil ;
- qu'il apparaît en définitive que l'observation simplement visuelle des photographies, la vidéo et l'interprétation de ces documents par l'expert M. D...suffisent, compte-tenu de l'expérience professionnelle de l'observateur aérien et de l'expert, pour définir avec suffisamment de certitude la nature du produit rejeté à l'intérieur des eaux territoriales françaises ;
- que les dénégations du capitaine du navire sont objectivement contredites par la réalité des constatations matérialisées par des photographies et une vidéo ne pouvant prêter ici à confusion, compte-tenu d'un code d'apparence bien défini ;

" 1°) alors que seuls sont interdits les rejets de résidus de substances relevant de la catégorie X, Y ou Z des substances liquides nocives prévues par l'annexe II de la Convention Marpol 73/ 78 ;
- que l'apparence ne saurait suffire à caractériser l'élément matériel du délit de pollution maritime ;
- qu'en l'espèce, en se bornant à relever, pour entrer en voie de condamnation, que l'observation visuelle, les photographies et l'interprétation qui en avait été faite par le lieutenant A...et l'expert M. D...définissaient suffisamment la nature du produit rejeté, cependant que, comme le faisaient valoir M. X... et la société Treflin Adam Maritime Limited, en l'absence de prélèvement ou de la mise en oeuvre de tout autre moyen permettant d'analyser la nature de la substance rejetée, la seule constatation par le lieutenant A...d'un changement de couleur de l'eau dans le sillage du navire ou d'un « très probable » rejet d'un « produit huileux d'origine végétale » par l'expert, ne pouvait suffire à établir que ce produit relevait des catégories X, Y ou Z de l'annexe II de la Convention Marpol 73/ 78, la cour d'appel a n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit ;

" 2°) alors qu'en ajoutant, sans même préciser les éléments sur lesquels elle se fondait qu'un prélèvement aurait pu se heurter à des « difficultés techniques » compte-tenu de l'heure tardive et du coucher du soleil, cependant que l'existence de simples difficultés ne pouvait dispenser l'accusation de faire la preuve de la réalité de l'infraction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

" 3°) alors que, dans leurs conclusions d'appel, M. X... et la société Trefin Adam Maritime Limited faisaient valoir que la circonstance que le rejet ait perduré après que les autorités françaises eurent pris contact avec le navire démontrait que s'il y avait eu rejet , ce rejet n'était pas volontaire, de sorte que l'élément intentionnel du délit n'était pas caractérisé ;
- qu'en ne répondant pas à ce moyen et en ne s'expliquant pas sur l'élément intentionnel du délit, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 27 janvier 2012 à 17 heures 13, un aéronef de la Marine nationale a constaté pendant sa mission de surveillance maritime une pollution dans les eaux territoriales françaises provenant du navire Trefin Adam, battant pavillon maltais, dont le capitaine était M. Dmytro X..., de nationalité ukrainienne ;
- que le commandant de bord de l'avion est entré en contact avec le capitaine du navire, lequel lui a affirmé qu'il était en train de nettoyer ses cuves mais ne déversait rien à la mer ;
- qu'un procès-verbal pour pollution a été dressé ;
- qu'une inspection du navire à sa plus prochaine escale, à Fos-sur-Mer, a été effectuée et a écarté tout dysfonctionnement et, partant, tout rejet accidentel ;
- qu'un expert en pollution maritime a été requis pour établir la nature du rejet sur sept photographies et un film vidéo ;
- qu'il a conclu à une pollution due à des substances d'origine huileuse végétale, dites biodiesel, rejetées à la mer avec les eaux de lavage ou de rinçage des cuves ;
- que M. X... et la société Trefin Adam Maritime Ltd ont été poursuivis devant la juridiction correctionnelle du chef de pollution des eaux marines territoriales par des rejets polluants de l'annexe II de la convention Marpol ;

Attendu que, pour dire établi ce délit, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que les prévenus n'apportaient ni par témoins ni par écrit la preuve contraire des énonciations contenues au procès-verbal, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié que le rejet volontaire était connu du capitaine, et que celui-ci ne pouvait invoquer une imprudence que par la preuve, qui lui incombait, de l'un des faits justificatifs prévus par la Convention Marpol 73/ 78, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 3 500 euros la somme que M. X... et la société Trefin Adam Maritime devront payer à l'Office de l'environnement de la Corse au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix novembre deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


ECLI:FR:CCASS:2015:CR04730

Analyse

Décision attaquée :Cour d'appel d'Aix-en-Provence , du 30 juin 2014


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