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Arrêt de la cour européene
30 septembre 2003
-
«Libre
circulation des travailleurs - Article 39, paragraphe 4,
CE - Emplois dans l'administration publique - Capitaines
et seconds de navires de la marine marchande -
Attribution de prérogatives de puissance publique à
bord - Emplois réservés aux ressortissants de l'État
du pavillon - Emplois ouverts aux ressortissants d'autres
États membres sous condition de réciprocité»
Dans l'affaire C-405/01,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en
application de l'article 234 CE, par le Tribunal Supremo
(Espagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant
devant cette juridiction entre
Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Española
et
Administración del Estad o,
en présence de:
Asociación de Navieros Espa ñ oles (ANAVE),
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation
de l'article 39 CE ainsi que des articles 1er
et 4 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15
octobre 1968, relatif à la libre circulation des
travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257,
p. 2),
LA COUR,
composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président,
MM. J.-P. Puissochet, M. Wathelet (rapporteur), R.
Schintgen et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre,
MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann
et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric, MM. S. von
Bahr, J. N. Cunha Rodrigues et A. Rosas, juges,
avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur
principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour le gouvernement espagnol, par Mme N.
Díaz Abad, en qualité d'agent,
- pour le gouvernement danois, par MM. J. Molde et J.
Bering Liisberg, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement allemand, par MM. W.-D. Plessing
et R. Stüwe, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement hellénique, par Mmes E.-M.
Mamouna et S. Chala, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et
Mmes A. Colomb et C. Bergeot-Nunes, en qualité
d'agents,
- pour le gouvernement italien, par M. U. Leanza, en
qualité d'agent, assisté de M. G. Fiengo, avvocato
dello Stato,
- pour le gouvernement norvégien, par M. H. Seland, en
qualité d'agent,
- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme
I. Martínez del Peral et M. D. Martin, en qualité
d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de la défenderesse
au principal et du gouvernement espagnol, représentés
par Mme N. Díaz Abad, du gouvernement
allemand, représenté par M. M. Lumma, en qualité
d'agent, du gouvernement hellénique, représenté par Mme
E.-M. Mamouna, du gouvernement français, représenté
par M. G. de Bergues et Mme C. Bergeot-Nunes,
et de la Commission, représentée par Mme I.
Martínez del Peral et M. H. Kreppel, en qualité
d'agent, à l'audience du 21 janvier 2003,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à
l'audience du 12 juin 2003,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par ordonnance du 4 octobre 2001, parvenue à la Cour le
15 octobre suivant, le Tribunal Supremo a posé, en vertu
de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur
l'interprétation de l'article 39 CE ainsi que des
articles 1er et 4 du règlement (CEE) n° 1612/68
du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre
circulation des travailleurs à l'intérieur de la
Communauté (JO L 257, p. 2).
- 2.
- Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un
recours en annulation introduit par le Colegio de
Oficiales de la Marina Mercante Española (collège des
officiers de la marine marchande espagnole, ci-après le
«collège des officiers») à l'encontre du Real Decreto
2062/1999, por el que se regula el nivel mínimo de
formación en profesiones marítimas (décret royal n°
2062/1999, réglementant le niveau minimal de formation
des gens de mer), du 30 décembre 1999 (BOE du 21 janvier
2000, ci-après le «décret royal n° 2062/1999»).
Le
cadre juridique
Les dispositions communautaires
- 3.
- Aux termes de l'article 39 CE:
«1. La libre
circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur
de la Communauté.
2. Elle implique l'abolition de toute discrimination,
fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des
États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération
et les autres conditions de travail.
3. Elle comporte le droit, sous réserve des
limitations justifiées par des raisons d'ordre public,
de sécurité publique et de santé publique:
a) de répondre à des emplois effectivement offerts,
b) de se déplacer à cet effet librement sur le
territoire des États membres,
c) de séjourner dans un des États membres afin d'y
exercer un emploi conformément aux dispositions législatives,
réglementaires et administratives régissant l'emploi
des travailleurs nationaux,
d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet
de règlements d'application établis par la Commission,
sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé
un emploi.
4. Les dispositions du présent
article ne sont pas applicables aux emplois dans
l'administration publique.»
- 4.
- Par ailleurs, l'article 1er du règlement n°
1612/68 dispose:
«1. Tout ressortissant d'un État
membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le
droit d'accéder à une activité salariée et de
l'exercer sur le territoire d'un autre État membre,
conformément aux dispositions législatives, réglementaires
et administratives régissant l'emploi des travailleurs
nationaux de cet État.
2. Il bénéficie notamment sur le territoire d'un
autre État membre de la même priorité que les
ressortissants de cet État dans l'accès aux emplois
disponibles.»
- 5.
- L'article 4 du même règlement prévoit:
«1. Les
dispositions législatives, réglementaires et
administratives des États membres limitant, en nombre ou
en pourcentage, par entreprise, par branche d'activité,
par région ou à l'échelon national, l'emploi des étrangers,
ne sont pas applicables aux ressortissants des autres États
membres.
2. Lorsque dans un État membre, l'octroi d'avantages
quelconques à des entreprises est subordonné à
l'emploi d'un pourcentage minimum de travailleurs
nationaux, les ressortissants des autres États membres
sont comptés comme travailleurs nationaux, sous réserve
des dispositions de la directive du Conseil du 15 octobre
1963 [.].»
Les dispositions internationales
- 6.
- La convention des Nations unies sur le droit de la mer,
signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, contient,
dans sa partie VII, intitulée «Haute mer», section I,
intitulée «Dispositions générales», qui regroupe les
articles 86 à 115, des dispositions générales
relatives à la navigation en haute mer.
- 7.
- Les articles 91, paragraphe 1, 92, paragraphe 1, 94,
paragraphes 1 à 3, et 97, paragraphes 1 et 2, de cette
convention disposent notamment:
«Article
91
Nationalité des navires
1. Chaque État fixe les conditions auxquelles il
soumet l'attribution de sa nationalité aux navires, les
conditions d'immatriculation des navires sur son
territoire et les conditions requises pour qu'ils aient
le droit de battre son pavillon. Les navires possèdent
la nationalité de l'État dont ils sont autorisés à
battre le pavillon. Il doit exister un lien substantiel
entre l'État et le navire.
[.]
Article 92
Condition juridique des
navires
1. Les navires naviguent sous le
pavillon d'un seul État et sont soumis, sauf dans les
cas exceptionnels expressément prévus par des traités
internationaux ou par la Convention, à sa juridiction
exclusive en haute mer. [.]
[.]
Article 94
Obligations de l'État du pavillon
1. Tout État exerce effectivement sa juridiction et
son contrôle dans les domaines administratif, technique
et social sur les navires battant son pavillon.
2. En particulier tout État:
[.]
b) Exerce sa juridiction,
conformément à son droit interne, sur tout navire
battant son pavillon ainsi que sur le capitaine, les
officiers et l'équipage pour les questions d'ordre
administratif, technique et social concernant le navire.
3. Tout État prend à l'égard
des navires battant son pavillon les mesures nécessaires
pour assurer la sécurité en mer, [.]
[.]
Article 97
Juridiction pénale en matière d'abordage ou en ce
qui concerne tout autre incident de navigation maritime
1. En cas d'abordage ou de tout
autre incident de navigation maritime en haute mer qui
engage la responsabilité pénale ou disciplinaire du
capitaine ou de tout autre membre du personnel du navire,
il ne peut être intenté de poursuites pénales ou
disciplinaires que devant les autorités judiciaires ou
administratives soit de l'État du pavillon, soit de l'État
dont l'intéressé a la nationalité.
2. En matière disciplinaire, l'État
qui a délivré un brevet de commandement ou un
certificat de capacité ou permis est seul compétent
pour prononcer [.] le retrait de ces titres, même si le
titulaire n'a pas la nationalité de cet État.»
Les dispositions nationales
- 8.
- La Ley 27/1992, de Puertos del
Estado y de la Marina Mercante (loi n° 27/1992, relative
aux ports de l'État et à la marine marchande), du 24
novembre 1992 (BOE du 25 novembre 1992, ci-après la «loi
n° 27/1992»), prévoit, à son article 77, intitulé
«Équipage des navires»:
«1. Le nombre de membres d'équipages
des navires et les exigences tenant à leur qualification
professionnelle doivent être de nature à garantir à
tout moment la sécurité de la navigation et du navire,
compte tenu de ses caractéristiques techniques et
d'utilisation, dans les conditions qui seront arrêtées
par voie réglementaire.
2. De même, les conditions de
nationalité des équipages du navire seront déterminées
réglementairement, même si les citoyens des États
membres de la Communauté économique européenne
pourront accéder, à compter de l'entrée en vigueur de
la présente loi, aux emplois à pourvoir dans les équipages
des navires qui n'impliquent pas l'exercice, même
occasionnel, de fonctions publiques, lequel reste réservé
aux citoyens espagnols.»
- 9.
- Il ressort de la quinzième
disposition additionnelle à la loi n° 27/1992, intitulée
«Registre spécial des navires et des armateurs», que
le capitaine et le second des navires inscrits sur le
registre spécial institué par ladite disposition
doivent avoir la nationalité espagnole. Ce registre ne
concerne que les navires des armateurs dont le centre
effectif de contrôle de l'exploitation des navires est
situé aux Canaries ou, s'il est situé dans le reste de
l'Espagne ou à l'étranger, qui possèdent aux Canaries
un établissement ou une représentation permanents leur
permettant d'exercer les droits et d'accomplir les
obligations prévus par la législation en vigueur. Seuls
peuvent être inscrits audit registre les navires civils
utilisés pour la navigation à des fins commerciales, à
l'exclusion de ceux destinés à la pêche, d'une taille
minimale de 100 tonnes.
- 10.
- L'article 8 du décret royal n°
2062/1999, intitulé «Règles spécifiques en matière
de reconnaissance des titres professionnels des citoyens
de l'Union européenne titulaires de diplômes délivrés
par l'un des États membres», dispose:
«1. La Direction générale de la marine
marchande peut reconnaître directement, à l'égard des
citoyens de l'Union européenne, les titres
professionnels ou certificats de spécialité délivrés
par l'un de ces États, conformément aux dispositions
nationales applicables.
2. La reconnaissance d'un titre
professionnel, formalisée par la délivrance d'une carte
professionnelle de la marine marchande, est nécessaire
pour accéder directement aux emplois à pourvoir dans
les équipages des navires marchands espagnols, à
l'exception des postes qui impliquent ou peuvent
impliquer l'exercice de fonctions publiques que la loi
attribue aux Espagnols, telles que celles de capitaine,
de pilote ou de second, qui restent réservées aux
citoyens espagnols.
3. Sans préjudice des
dispositions du paragraphe précédent, les citoyens de
l'Union européenne qui possèdent un titre délivré par
un État membre peuvent exercer le commandement de
navires marchands de jauge brute inférieure à 100
tonnes, qui transportent une cargaison ou moins de 100
passagers, qui opèrent exclusivement entre des ports ou
des points situés dans des zones dans lesquelles
l'Espagne exerce sa souveraineté, des droits souverains
ou sa juridiction, dès lors que l'intéressé est en
mesure d'établir l'existence de la réciprocité dans l'État
dont il est ressortissant à l'égard des citoyens
espagnols.»
- 11.
- Plusieurs dispositions de droit
espagnol confèrent aux capitaines des navires de la
marine marchande espagnole des fonctions publiques,
telles que des fonctions de sécurité et de police,
notariales ou relatives à l'état civil.
- 12.
- Ainsi, s'agissant des fonctions de
sécurité et de justice, les articles 110, 116,
paragraphe 3, sous f), et 127 de la loi n° 27/1992
habilitent les capitaines à prendre à titre
exceptionnel, dans des situations de danger à bord,
toutes les mesures de police qu'ils estiment nécessaires
à la bonne marche du navire. L'inobservation de ces
mesures et instructions constitue une infraction grave.
Le capitaine est tenu de consigner les infractions à
cette loi dans le journal de bord.
- 13.
- En application de l'article 610 du
Código de Comercio (code de commerce), le capitaine
peut, en vertu des pouvoirs inhérents à sa fonction,
infliger à bord des sanctions à l'encontre de ceux qui
n'exécutent pas ses ordres ou qui manquent à la
discipline. Les délits et les mesures prises doivent être
consignés et le dossier transmis aux autorités compétentes
dans le premier port où le navire fera escale.
- 14.
- Aux termes de l'article 700 du code
de commerce, les passagers sont tenus de se soumettre
sans exception aux instructions du capitaine pour ce qui
a trait au maintien de l'ordre à bord.
- 15.
- Par ailleurs, s'agissant de la
certification publique ou de l'établissement d'actes de
l'état civil, il ressort de l'article 52 du Código
Civil (code civil) que le capitaine peut, à certaines
conditions, célébrer des mariages, et des articles 722
et 729 du même code qu'il peut recevoir des testaments
et, en cas de décès du testateur à bord, qu'il est
tenu d'assurer la garde des testaments et de les remettre
aux autorités compétentes.
- 16.
- En application de l'article 19 de
la Ley de Registro Civil (loi relative à l'état civil),
les autorités ou les fonctionnaires désignés par voie
réglementaire peuvent procéder à l'enregistrement
d'une naissance, d'un mariage ou d'un décès survenant
notamment à l'occasion d'un trajet maritime. Les
constatations faites dans de tels actes de naissance ont
la même force probante que celles qui sont effectuées
lors de l'inscription dans le registre de l'état civil.
- 17.
- En application de l'article 71 du
Reglamento del Registro Civil (règlement relatif au
registre de l'état civil), l'acte en vertu duquel sont
enregistrés la naissance, le mariage ou le décès peut
être effectué par le capitaine du navire lorsque ces
faits surviennent au cours d'un trajet maritime.
L'article 72 du même règlement prévoit que le
capitaine a les mêmes droits et obligations qu'un
officier de l'état civil pour constater les naissances,
les décès ou les fausses couches, ou pour établir la
filiation, ainsi que pour délivrer les permis d'inhumer.
- 18.
- Conformément à l'article 705 du
code de commerce, le capitaine doit dresser l'acte de décès
en cas de décès d'une personne à bord, et il est
habilité, à l'expiration d'un délai de 24 heures, à
prendre les mesures qui s'imposent en ce qui concerne le
cadavre.
- 19.
- En application de l'article 627 du
code de commerce, le second assure les droits,
obligations et responsabilités du capitaine en cas d'empêchement
de ce dernier.
Le
litige au principal
- 20.
- Le collège des officiers a
introduit un recours en annulation devant le Tribunal
Supremo à l'encontre de certaines dispositions du décret
royal n° 2062/1999.
- 21.
- Selon le collège des officiers, ce
décret, en particulier son article 8, paragraphe 3, léserait
les intérêts collectifs des officiers de la marine
marchande espagnole et serait contraire à l'article 77
de la loi n° 27/1992 et à la quinzième disposition
additionnelle à cette loi en tant qu'il reconnaît aux
ressortissants des autres États membres la possibilité
d'exercer le commandement de certains navires espagnols.
- 22.
- Le Tribunal Supremo, constatant que
les capitaines et seconds des navires marchands exercent,
généralement à titre occasionnel, des fonctions qui
sont liées à des pouvoirs de police ou qui, en Espagne,
sont habituellement confiées à des fonctionnaires,
s'interroge sur le point de savoir si le fait pour un État
membre de réserver de tels emplois à ses ressortissants
est compatible avec l'article 39 CE et la jurisprudence
de la Cour.
- 23.
- Selon cette juridiction, si une
telle mesure devait être considérée comme conforme au
droit communautaire, l'article 77, paragraphe 2, de la
loi n° 27/1992, la quinzième disposition additionnelle
à cette loi, ainsi que l'article 8, paragraphe 2, du décret
royal n° 2062/1999, qui réservent aux ressortissants
espagnols les emplois de capitaine et de second des
navires marchands battant pavillon espagnol, devraient être
considérés comme licites. Il en serait alors de même,
a fortiori, de l'article 8, paragraphe 3, du décret
royal n° 2062/1999, qui ouvre aux ressortissants
d'autres États membres l'accès aux emplois de capitaine
et de second à certaines conditions et pour certains
navires de la marine marchande espagnole.
- 24.
- Le Tribunal Supremo observe, à cet
égard, qu'une exception à la mesure réservant les
emplois de capitaine et de second aux ressortissants de
l'État du pavillon telle que celle prévue à l'article
8, paragraphe 3, du décret royal n° 2062/1999 peut être
justifiée par la rareté des occasions pour les
capitaines et les seconds d'exercer effectivement les
fonctions publiques qui leur sont conférées lorsque
ceux-ci sont affectés à des navires de petite taille s'éloignant
peu des côtes.
- 25.
- Par ailleurs, dans l'hypothèse où
les États membres ne pourraient pas maintenir une mesure
réservant les emplois de capitaine et de second sur les
navires battant leur pavillon à leurs ressortissants et
seraient obligés d'offrir la possibilité aux
ressortissants des autres États membres d'accéder, dans
certaines circonstances, à ces emplois, le Tribunal
Supremo se demande s'il est conforme au droit
communautaire de subordonner cette possibilité à une
exigence de réciprocité, ainsi qu'il est prévu à
l'article 8, paragraphe 3, du décret royal n° 2062/1999.
- 26.
- C'est dans ces conditions que le
Tribunal Supremo a décidé de surseoir à statuer et de
poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L'article 39 [.] CE
et les articles 1er et 4 du règlement (CEE) n°
1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la
libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la
Communauté, autorisent-ils un État membre à réserver
les emplois de capitaine et de second de ses navires
marchands à ses propres ressortissants? En cas de réponse
affirmative, cette réserve peut-elle être formulée en
termes absolus (pour tout type de navires marchands) ou
n'est-elle valable que dans les cas où, de manière prévisible
et raisonnable, l'exercice effectif de certaines
fonctions publiques par les capitaines ou les seconds
peut s'avérer nécessaire?
2) Si les règles internes d'un
État membre excluent de la réserve de ces emplois en
faveur de ses ressortissants certains cas de navigation
commerciale (compte tenu de facteurs tels que la jauge
brute du navire, la cargaison ou le nombre de passagers,
ainsi que les caractéristiques des traversées) et
autorisent, dans de tels cas, l'accès des citoyens
d'autres États membres de l'Union européenne aux
emplois en question, peut-on subordonner cet accès à la
condition de réciprocité?»
- 27.
- Il convient de rappeler, à titre
liminaire, que les articles 1er et 4 du règlement
n° 1612/68 ne font qu'expliciter et mettre en .uvre les
droits découlant déjà de l'article 39 CE. En conséquence,
c'est ce dernier article qui contient les seules règles
pertinentes dans la présente affaire (voir, en ce sens,
arrêt du 23 février 1994, Scholz, C-419/92, Rec. p. I-505,
point 6).
Sur la première
question
- 28.
- Par sa première question, la
juridiction de renvoi demande en substance si l'article
39, paragraphe 4, CE doit être interprété en ce sens
qu'il autorise un État membre à réserver à ses
ressortissants les emplois de capitaine et de second des
navires marchands battant son pavillon et s'il importe,
à cet égard, de tenir compte de la circonstance que,
pour certains types de navigation, l'exercice par le
capitaine ou le second de fonctions relevant de
l'administration publique au sens de l'article 39,
paragraphe 4, CE s'avère limité et occasionnel.
Observations soumises à la Cour
- 29.
- Les gouvernements espagnol, danois,
allemand, hellénique, français et italien, ainsi que la
Commission, s'accordent pour considérer que les emplois
de capitaine et de second des navires marchands battant
pavillon d'un État membre peuvent, conformément à
l'article 39, paragraphe 4, CE, être réservés aux
ressortissants de cet État dans la mesure où leurs
titulaires, conformément à la législation nationale
dudit État et à plusieurs instruments internationaux,
telle la convention des Nations unies sur le droit de la
mer, sont susceptibles d'exercer des fonctions relevant
de l'«administration publique» au sens de cette
disposition, telle qu'interprétée par la Cour, et
relatives au maintien de la sécurité et à l'exercice
de pouvoirs de police ainsi qu'à la certification
publique et à l'établissement d'actes d'état civil.
- 30.
- Ces gouvernements justifient leur
point de vue en invoquant les risques potentiels accrus
en haute mer et le fait que le navire s'y trouve hors
d'atteinte des autorités publiques, ce qui nécessiterait
la présence à bord d'un représentant de la puissance
publique, investi d'un pouvoir décisionnel, en la
personne du capitaine.
- 31.
- Les arrêts du 29 octobre 1998,
Commission/Espagne (C-114/97, Rec. p. I-6717, point 33),
et du 31 mai 2001, Commission/Italie (C-283/99, Rec. p. I-4363,
point 25), d'où il ressort que la notion d'«emplois
dans l'administration publique» n'englobe pas des
emplois au service d'un particulier ou d'une personne
morale de droit privé, ne seraient pas pertinents,
nonobstant le fait que le capitaine d'un navire marchand
est employé par un armateur privé. En effet, selon les
gouvernements danois, hellénique et français, ainsi que
selon la Commission, ce qui importe, même en l'absence
de lien organique avec l'administration, c'est que le
capitaine soit investi de prérogatives de puissance
publique aux fins des intérêts généraux de l'État,
ce qui, ainsi que le soutient également le gouvernement
allemand, correspondrait à la conception fonctionnelle
de l'administration publique qui sous-tend la
jurisprudence de la Cour.
- 32.
- Le gouvernement espagnol estime,
toutefois, que le fait de réserver les emplois de
capitaine et de second des navires marchands battant
pavillon d'un État membre aux ressortissants de cet État
n'est conforme à l'article 39, paragraphe 4, CE qu'à la
condition que l'exercice effectif des fonctions publiques
soit prévisible et raisonnable. C'est ainsi que se
justifierait l'article 8, paragraphe 3, du décret royal
n° 2062/1999, autorisant les ressortissants d'autres États
membres à exercer le commandement de navires espagnols
de dimensions petites et moyennes, dont l'autonomie est réduite
et qui se déplacent à l'intérieur des eaux
territoriales espagnoles, de sorte que l'accomplissement
d'actes de puissance publique peut être aisément différé.
Il s'agirait de navires utilisés principalement pour les
loisirs et le tourisme.
- 33.
- En revanche, les gouvernements
danois, hellénique, français et italien, ainsi que la
Commission, font valoir que, dès lors que le capitaine
se voit confier par un État membre des prérogatives de
puissance publique, la réserve prévue à l'article 39,
paragraphe 4, CE peut valablement être invoquée, indépendamment
de la taille du navire, du nombre de passagers, de l'itinéraire
suivi, de la proximité avec le territoire national, ou
encore de la probabilité pour le capitaine d'exercer
effectivement les fonctions publiques en cause,
lesquelles seraient susceptibles d'être exercées sur
tout type de navire et à tout moment, dès que la
situation à bord l'exige.
- 34.
- Le gouvernement norvégien, après
avoir relevé que, selon la jurisprudence de la Cour,
l'article 39, paragraphe 4, CE, qui constitue une
exception au principe de la libre circulation des
travailleurs, est d'interprétation stricte (voir,
notamment, arrêt du 12 février 1974, Sotgiu, 152/73,
Rec. p. 153), se demande si les fonctions publiques
traditionnellement dévolues aux capitaines de navires
suffisent pour établir qu'un capitaine participe
directement ou indirectement à l'exercice de la
puissance publique dans le monde d'aujourd'hui. Le
gouvernement norvégien observe que, en raison des
possibilités techniques actuelles, la nécessité de
faire usage de telles attributions est plus faible
qu'autrefois, où les navires restaient en général
beaucoup plus longtemps en mer et où il était beaucoup
plus difficile de recevoir des instructions des autorités
nationales. En outre, plus de la moitié de la flotte
mondiale serait immatriculée, de nos jours, sous des
pavillons de complaisance et le fait que ni l'équipage
ni le capitaine de ces navires ne possèdent la
nationalité de l'État du pavillon ne poserait en général
aucun problème particulier.
- 35.
- À titre subsidiaire, les
gouvernements espagnol, hellénique, français et italien
considèrent qu'un État membre est en droit de réserver
les emplois de capitaine et de second à ses propres
ressortissants sur le fondement de l'article 39,
paragraphe 3, CE.
- 36.
- À cet égard, la Commission
objecte que l'article 39, paragraphe 3, CE est applicable
uniquement à des individus dont le comportement
personnel met en danger l'ordre public ou la sécurité
publique. Aussi, il n'y aurait pas lieu de l'invoquer
pour exclure de l'application du principe de la libre
circulation des personnes toute une profession au motif
que ses membres seraient chargés de garantir l'ordre
public ou la sécurité à bord (voir, en ce sens, arrêt
Commission/Espagne, précité, point 42). L'article 3,
paragraphe 1, de la directive 64/221/CEE du Conseil, du
25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales
aux étrangers en matière de déplacement et de séjour
justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité
publique et de santé publique (JO 1964, 56, p. 850),
conforterait cette analyse.
Réponse de la Cour
- 37.
- Il convient de rappeler, à titre
liminaire, que l'article 39, paragraphes 1 à 3, CE
consacre le principe de la libre circulation des
travailleurs et l'abolition de toute discrimination, fondée
sur la nationalité, entre les travailleurs des États
membres. L'article 39, paragraphe 4, CE prévoit
toutefois que les dispositions de cet article ne sont pas
applicables aux emplois dans l'administration publique.
- 38.
- Selon la jurisprudence de la Cour,
la notion d'administration publique au sens de l'article
39, paragraphe 4, CE doit recevoir une interprétation et
une application uniformes dans l'ensemble de la Communauté
et ne saurait dès lors être laissée à la totale discrétion
des États membres (voir, notamment, arrêts Sotgiu, précité,
point 5, et du 17 décembre 1980, Commission/Belgique,
149/79, Rec. p. 3881, points 12 et 18).
- 39.
- Elle concerne les emplois qui
comportent une participation, directe ou indirecte, à
l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui
ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de
l'État ou des autres collectivités publiques, et
supposent ainsi, de la part de leurs titulaires,
l'existence d'un rapport particulier de solidarité à l'égard
de l'État ainsi que la réciprocité des droits et
devoirs qui sont le fondement du lien de nationalité (arrêts
Commission/Belgique, précité, point 10, et du 2 juillet
1996, Commission/Grèce, C-290/94, Rec. p. I-3285, point
2).
- 40.
- En revanche, l'exception prévue à
l'article 39, paragraphe 4, CE ne s'applique pas à des
emplois qui, tout en relevant de l'État ou d'autres
organismes de droit public, n'impliquent cependant aucun
concours à des tâches relevant de l'administration
publique proprement dite (arrêts précités Commission/Belgique,
point 11, et Commission/Grèce, point 2), ni, a fortiori,
à des emplois au service d'un particulier ou d'une
personne morale de droit privé, quelles que soient les tâches
qui incombent à l'employé (arrêts précités
Commission/Espagne, point 33, et Commission/Italie, point
25).
- 41.
- Il ressort également de la
jurisprudence de la Cour que, en tant que dérogation à
la règle fondamentale de la libre circulation et de la
non-discrimination des travailleurs communautaires,
l'article 39, paragraphe 4, CE doit recevoir une interprétation
qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire
pour sauvegarder les intérêts que cette disposition
permet aux États membres de protéger (voir, notamment,
arrêt du 16 juin 1987, Commission/Italie, 225/85, Rec. p.
2625, point 7).
- 42.
- En l'occurrence, il y a lieu de
constater que le droit espagnol confère aux capitaines
et aux seconds des navires marchands battant pavillon
espagnol, d'une part, des prérogatives liées au
maintien de la sécurité et à l'exercice de pouvoirs de
police, notamment en cas de danger à bord, assorties, le
cas échéant, de pouvoirs d'enquête, de coercition ou
de sanction, allant au-delà de la simple contribution au
maintien de la sécurité publique à laquelle tout
individu peut être tenu, et, d'autre part, des
attributions en matière notariale et d'état civil, qui
ne sauraient s'expliquer par les seules nécessités du
commandement du navire. De telles fonctions constituent
une participation à l'exercice de prérogatives de
puissance publique aux fins de la sauvegarde des intérêts
généraux de l'État du pavillon.
- 43.
- La circonstance que les capitaines
sont employés par une personne physique ou morale de
droit privé n'est pas, en tant que telle, de nature à
écarter l'applicabilité de l'article 39, paragraphe 4,
CE dès lors qu'il est établi que, pour
l'accomplissement des missions publiques qui leur sont dévolues,
les capitaines agissent en qualité de représentants de
la puissance publique, au service des intérêts généraux
de l'État du pavillon.
- 44.
- Toutefois, le recours à la dérogation
à la libre circulation des travailleurs, prévue à
l'article 39, paragraphe 4, CE, ne saurait être justifié
du seul fait que des prérogatives de puissance publique
sont attribuées par le droit national aux titulaires des
emplois en cause. Encore faut-il que ces prérogatives
soient effectivement exercées de façon habituelle par
lesdits titulaires et ne représentent pas une part très
réduite de leurs activités. En effet, ainsi qu'il a été
rappelé au point 41 du présent arrêt, la portée de
cette dérogation doit être limitée à ce qui est
strictement nécessaire à la sauvegarde des intérêts généraux
de l'État membre concerné, laquelle ne saurait être
mise en péril si des prérogatives de puissance publique
n'étaient exercées que de façon sporadique, voire
exceptionnelle, par des ressortissants d'autres États
membres.
- 45.
- Or, il ressort des indications de
la juridiction de renvoi et du gouvernement espagnol que
les emplois de capitaine et de second de la marine
marchande espagnole constituent des emplois dans lesquels
l'exercice de la fonction de représentation de l'État
du pavillon est, en pratique, occasionnel.
- 46.
- Par ailleurs, il convient
d'observer que la convention des Nations unies sur le
droit de la mer n'exige pas que le capitaine d'un navire
possède la nationalité de l'État du pavillon.
- 47.
- Il convient encore d'examiner si la
condition de nationalité à laquelle serait subordonné
l'accès aux catégories d'emplois en cause pourrait être
justifiée sur le fondement de l'article 39, paragraphe 3,
CE.
- 48.
- Il suffit, à cet égard, de
rappeler que la faculté pour les États membres de
limiter la libre circulation des personnes pour des
raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé
publique n'a pas pour objet de mettre des secteurs économiques,
tel celui de la marine marchande, ou des professions,
telle celle de capitaine ou de second de navires
marchands, à l'abri de l'application de ce principe, du
point de vue de l'accès à l'emploi, mais vise à
permettre aux États membres de refuser l'accès ou le séjour
sur leur territoire à des personnes dont l'accès ou le
séjour sur ces territoires constituerait, en tant que
tel, un danger pour l'ordre public, la sécurité
publique ou la santé publique (voir, en ce qui concerne
la santé publique, arrêt du 7 mai 1986, Gül, 131/85,
Rec. p. 1573, point 17, et, en ce qui concerne la sécurité
privée, arrêt Commission/Espagne, précité, point 42).
- 49.
- Par conséquent, une exclusion générale
de l'accès aux emplois de capitaine et de second de la
marine marchande ne saurait être justifiée par les
raisons visées à l'article 39, paragraphe 3, CE.
- 50.
- Compte tenu de ce qui précède, il
y a lieu de répondre à la première question que
l'article 39, paragraphe 4, CE doit être interprété en
ce sens qu'il n'autorise un État membre à réserver à
ses ressortissants les emplois de capitaine et de second
des navires marchands battant son pavillon qu'à la
condition que les prérogatives de puissance publique
attribuées aux capitaines et aux seconds de ces navires
soient effectivement exercées de façon habituelle et ne
représentent pas une part très réduite de leurs
activités.
Sur la
seconde question
- 51.
- Par sa seconde question, la
juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article
39 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose
à ce qu'un État membre subordonne à une condition de réciprocité
l'accès des ressortissants des autres États membres aux
emplois de capitaine et de second de navires marchands
battant son pavillon tels que ceux visés à l'article 8,
paragraphe 3, du décret royal n° 2062/1999.
Observations soumises
à la Cour
- 52.
- Le gouvernement espagnol estime que
la possibilité de réserver à leurs ressortissants les
emplois de capitaine et de second des navires de leur
marine marchande découle d'un droit reconnu aux États
membres par l'article 39, paragraphe 4, CE, que ces
derniers peuvent exercer ou restreindre selon les
conditions fixées par leur législation nationale.
- 53.
- Le gouvernement français observe
que, en tant qu'il place les emplois qu'il vise en dehors
du champ d'application du traité, l'article 39,
paragraphe 4, CE constitue une réserve de compétence
des États membres et se distingue, à cet égard, des
exceptions aux libertés de circulation prévues
notamment par les articles 30 CE, 39, paragraphe 3, CE et
46 CE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Belgique, précité,
point 10). Aussi les États membres ne sauraient-ils être
tenus de justifier les mesures qu'ils prennent vis-à-vis
de ces emplois, à la différence de ce que la Cour a jugé
à propos du recours aux exceptions prévues à l'article
30 CE. Un État membre serait libre d'admettre dans
certains de ces emplois les ressortissants de certains États
membres, dans les conditions qu'il juge opportunes, par
exemple sous condition de réciprocité.
- 54.
- Certes, la Cour aurait jugé,
notamment, dans l'arrêt Sotgiu, précité, que, dès
lors qu'un État membre a admis des travailleurs
ressortissants des autres États membres au sein de son
administration publique, l'article 39, paragraphe 4, CE
ne saurait justifier aucune mesure discriminatoire à
leur encontre en matière de rémunération ou d'autres
conditions du travail.
- 55.
- Toutefois, la présente affaire
concernerait les modalités mêmes de l'accès aux
emplois dans l'administration publique, si bien que cette
jurisprudence ne serait pas applicable en l'espèce. En
effet, en se bornant à prévoir, pour des emplois
relevant de l'article 39, paragraphe 4, CE, une exception
à la condition de nationalité pour les ressortissants
de certains États membres seulement, avec qui, par
exemple, existe une réciprocité, les autorités
espagnoles n'auraient pas abandonné le principe selon
lequel ces emplois sont réservés aux ressortissants
espagnols et n'auraient donc pas procédé à une
ouverture de principe desdits emplois.
- 56.
- La Commission soutient que les États
membres peuvent toujours renoncer à appliquer
l'exception visée à l'article 39, paragraphe 4, CE pour
des emplois relevant de cette disposition et ouvrir,
totalement ou partiellement, l'accès à ces emplois aux
ressortissants d'autres États membres. Cependant, en cas
d'accès partiel, celui-ci devrait être soumis à des
conditions objectives et conformes au droit communautaire.
- 57.
- Or, l'exigence de réciprocité
serait incompatible avec le principe d'égalité de
traitement (arrêts du 22 juin 1972, Frilli, 1/72, Rec. p.
457, point 19, et du 2 février 1989, Cowan, 186/87, Rec.
p. 195, point 20).
- 58.
- De même, le gouvernement norvégien considère que, dès
lors qu'un État membre autorise des travailleurs
d'autres États membres à occuper des emplois relevant
de l'article 39, paragraphe 4, CE, aucune discrimination
à l'égard de ces travailleurs ne saurait être admise.
Une telle ouverture démontrerait, par elle-même, que
les intérêts justifiant la dérogation au principe d'égalité
de traitement permise par l'article 39, paragraphe 4, CE
ne sont pas en cause (voir, en ce sens, arrêt Sotgiu, précité,
point 4).