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Audience publique du 14 décembre 2004

Casse et Annule

N° de pourvoi : 96-84929
Président : M. Milleville, conseiller doyen faisant fonction.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze décembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller Le CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Y... Candido,

contre l'arrêt n° 895 de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 14 mai 2004, qui, pour faux dans un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, l'a condamné à 10000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 et 441-2 du Code pénal, 24, 2 , du décret 90.94 du 25 janvier 1990 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt n 895/2004 attaqué a déclaré Candido X... Y... coupable de faux commis dans un document délivré par une autorité publique ;

"aux motifs que Candido X... Y... n'a pas, en toute hypothèse, à un moment ou un autre mais de façon régulière, renseigné son livre de pêche puisqu'il a cherché à dissimuler partie de sa pêche en inscrivant d'abord des chiffres manifestement erronés mais choisis pour atteindre le nombre de caisses présentées comme caisses de chinchard, puis en les raturant après que le contrôle en cale a permis de découvrir leur dissimulation ; en donnant des chiffres erronés puis en les raturant, dans le seul objectif de dissimuler partie de sa pêche, Candido X... Y... a bien commis un faux aux seules fins d'outrepasser le quota dont il dispose pour la pêche au merlu ; il ne peut, dès lors, être retenu, ainsi qu'il le soutient, que l'inscription puis le raturage auquel il s'est livré n'avait pour seul objectif que d'éviter la constatation de l'infraction prévue par l'article 24, 2 , du décret 90.94 du 25 janvier 1990, infraction punie de l'amende prévue pour les contraventions de 5ème classe et prescrite ;

"alors, d'une part, que le délit de faux commis dans un document délivré par une administration publique suppose que ce document ait été délivré aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation ; qu'un registre de pêche, qui se borne à enregistrer les captures pour faciliter la vérification du respect des quotas et de sous-quotas de pêche, n'a ni pour objet ni pour finalité la constatation d'un droit, d'une identité ou d'une qualité ou la délivrance d'une autorisation ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé l'article 441-2 du Code pénal ;

"alors, d'autre part, que le faux commis dans un document délivré par une administration publique suppose l'altération des mentions inscrites dans ce document par cette administration publique ; qu'en l'espèce l'altération supposée de la vérité porte sur les mentions apportées par le prévenu et sujettes, de ce fait, à discussion et vérification ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé l'article 441-2 du Code pénal ;

"alors, en tout état de cause, que constituent des déclarations unilatérales soumises à discussion et vérifications, notamment des agents des affaires maritimes, et sont en conséquence insusceptibles de constituer le support d'un faux quel qu'il soit, les mentions inscrites par le capitaine de bord sur le registre de pêche de son navire ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé les articles 441-1 et 441-2 du Code pénal" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 441-2 du Code pénal, et 24, 2 , du décret 90-94 du 25 janvier 1990 ;

Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal, base des poursuites, que le 15 février 2001, dans le port de Brest, un contrôle a été effectué, après l'amarrage du navire, à bord du Chalutier "Cruz Sexto", ayant comme capitaine Candido X... Y..., par des agents des affaires maritimes qui se sont notamment fait présenter le journal de pêche communautaire ne mentionnant pas la présence de merlus ; que les vérifications opérées en cale ont permis de découvrir 119 caisses de 20 kilogrammes de ce poisson ; que, de retour sur la passerelle, un des agents verbalisateurs a constaté que le journal de pêche, entre-temps rectifié, faisait état d'une cargaison de merlus qui avait été mentionnée avant d'être rayée ;

Attendu que Candido X... Y..., poursuivi pour faux dans un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, a fait valoir que la mention au journal de bord, après le début des opérations de contrôle, d'une quantité de merlus puis la rature de cette mention, dont le résultat équivalait à une absence totale de mention, n'étaient pas constitutives d'une infraction ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu et le déclarer coupable de ce délit, l'arrêt énonce qu'en donnant des chiffres erronés puis en les raturant, dans le seul objectif de dissimuler partie de sa pêche, l'intéressé a bien commis un faux aux seules fins d'outrepasser le quota dont il dispose pour la pêche au merlu ;

Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui ne caractérisent pas le délit prévu et réprimé par l'article 441-2 du Code pénal, les déclarations unilatérales qui sont portées au journal de bord étant soumises à vérification et le fait d'y inscrire, au moment où elles doivent l'être, des mentions erronées ou incomplètes étant constitutif d'une contravention, la cour d'appel, à qui il appartenait, le cas échéant, de rechercher si l'intéressé, en apportant, dans le dessein de tromper les enquêteurs et d'éluder leur surveillance, des modifications à ce journal, après la mise en oeuvre des opérations de contrôle, n'avait pas fait obstacle au déroulement de leur mission, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article 8 du décret-loi du 9 janvier 1852, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen de cassation proposé ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes , en date du 14 mai 2004 , et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de PAU, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Castagnède conseillers de la chambre, Mmes Gailly, Guihal, M. Chaumont, Mme Degorce conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Finielz ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Décision attaquée : cour d'appel de RENNES, 3ème chambre 2004-05-14


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