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MINISTERE DES
TRANSPORTS
(MARINE MARCHANDE)
Note N° 4180 FC/VI
du 05 mai 1980
relative à la dispersion en mer des
cendres d'une personne défunte.
Immersion d'urnes funéraires.
Référence : Transmission n°1381 NM/B-422 du 22 mai 1979 de la direction des afaires maritimes à Marseille.
Par votre transmissions citée en référence, vous m'avez fait parvenir un rapport du chef de quartier de Nice qui pose le problème du droit de disperser en mer les cendres d'une personne défunte et celui d'immerger des urnes funéraires. Vous avez assortie votre transmission de vos propres observations et vous avez demandé mon avis sur les questions soulevées.
I. Dispersion des cendres.
Le décret n° 76-435 du 18 mai 1976,
codifiant les textes relatifs aux opérations d'inhumation, d'exhumation,
d'incinération et de transport de corps, n'imposent aucune
formalité particulière quand, aprés incinération, la
dispersion des cendres est effectuée, à la demande des familles,
en milieu naturel (art. 23-4 du décret). Dans ces conditions, il
semble qu'il n'y ait aucun motif d'interdire une telle opération
dans les eaux de la mer territoriale française et, à plus forte
raison en mer extra-territoriale.
Néanmoins, il vous appartient de veiller
à ce que la cérémonie de dispersion des cendres revête un
caractère discret et ne gêne en rien les usagers habituels de
la mer.
II. Immersion d'urnes funéraires.
En ce qui concerne cette opération, rien
ne semble permettre de s'y opposer. La dispersion des cendres n'est
pas interdite; qu'elles soient contenues dans un récipient ne
semble pas devoir changer quoi que ce soit à cette absence d'interdiction.
Par ailleurs, on ne peut empêcher quelqu'un d'abandonner un
objet qui lui appartient; en l'occurence, l'urne funéraire
étant la propriété de la famille du défunt, celle-ci est à
même d'en disposer à sa guise.
On pourrait se demander si l'immersion d'urnes
funéraires ne serait pas contraire aux dispositions de la loi
n° 76-599 du 7 juillet 1976 relative aux opérations d'immersion
de tous matériaux, substances ou déchets. Il semble que ces
dispositions ne puissent s'appliquer en la circonstance, l'esprit
de la loi et de la Convention d'Oslo dont elle constitue l'application
en droit interne étant d'interdire les immersions de nature à
entraîner une pollution du milieu marin ou, à tout le moins, à
porter atteinte aux agréments ou gêner toute utilisation
légitime de la mer (art. 1 de la Convention d'Oslo).
Tout au plus, pourrait-on appliquer en la
circonstance (comme d'ailleurs dans le cas d'une opération de
dispersion des cendres en mer) les règles de police générale,
pour éviter que la cérémonie d'immersion donne lieu à un
déploiement de fastes susceptibles de gêner les utilisateurs de
la mer.
En outre, pour éviter qu'à la suite d'une
récupération par les filets de pêcheurs, les urnes ne soient,
si leur identification est possible, restituées à la famille
par application de la règlementation des épaves, il pourrait
être exigé de la personne désireuse de procéder à l'immersion,
d'utiliser une urne en matière fragile, telle que verre ou
céramique et, si possible lestée, de manière à ne pas
éventuellement dériver.
III. Immersion de corps.
Cette question, bien que non évoquée par
le chef du quartier doit être abordée.
On pourrait soutenir qu'en la matière, la réglementation
applicable à la terre ne peut être invoquée. En effet, la
réglementation relative aux inhumations prévoit que l'inhumation
ne peut être effectuée que dans un cimetière, celui-ci faisant
partie du domaine public communal. Ce n'est qu'exceptionnellement
et en vertu d'une autorisation préalable du maire qu'une
personne peut être entérrée dans sa propriété, et à la
condition que ce soit hors et à la distance prescrite de l'enceinte
des villes et des bourgs.
Or, la mer territoriale ne fait pas partie
du domaine public maritime.
En conséquence, il pourrait être soutenu
que la législation édictée pour la terre ne peut s'appliquer,
par extension, à la mer territoriale et, à plus forte raison,
à la haute mer et que, de ce fait, l'immersion de corps puisse
être autorisée sans difficulté.
Il semble qu'il faille avoir une approche
différente du problème.
La réglementation relative aux inhumations,
exhumations,incinérations ne vise, du fait de son objet même,
que les opérations à terre. Comme aucun texte ne semble exister
par ailleurs concernant les immersions des corps, il s'ensuit que
la procédure normale pour les sépultures est l'inhumation, l'immersion
devant être pratiquée seulement dans des cas exeptionnels (par
exemple décés survenu en mer, à la suite d'une maladie
contagieuse, ne permettant pas la conservation du corps à bord).
D'ailleurs la pratique de l'immersion, qui était monnaie
courante du temps de Marine à voile, l'est infiniment moins
depuis que les navires sont à vapeur ou à moteur, donc beaucoup
plus rapides et que l'industrie du froid a fait de trés gros
progrès.
Dans ces conditions, on peut
raisonnablement soutenir que les demandes d'immersion de corps,
faites quand le décés est survenu à terre, relève d'un
certain cabotinage posthume, qu'il convient de ne pas encourager.
Par ailleurs, on pourrait, en la
circonstance, faire application des dispositions de la loi 76-559
du 5 juillet 1976 relative à la prévention et à la répression
de la pollution marine par les opérations d'immersion. Certes,
la Convention d'Oslo, dont la loi de 1976 est l'application en
droit interne, vise plus spécialement la pollution de la mer par
des substances ou des matériaux susceptibles de nuire à la
santé de l'homme ou aux ressources biologiques; néanmoins,
cette convention a des objectifs plus larges, puisqu'elle vise
également toutes les substances ou matériaux susceptibles de
porter atteinte aux agréments ou de gêner les autres
utilisateurs légitimes de la mer.
Il est certain qu'un cercueil flottant
entre deux eaux et susceptible d'être repêché par les filets d'un
chalutier, ou de venir à la côte sous l'influence des courants
et des marées, peut être considéré comme rentrant dans les
matériaux susceptibles de porter atteinte aux utilisateurs
légitimes de la mer.
Pour toutes les raisons ci-dessus
énoncées, il ne m'apparaît pas souhaitable d'autoriser les
immersions de corps, quand le décés est survenu à terre.
Le directeur de la Flotte de
commerce,
Ph. BRONGNIART.